Les histoires racontées par Jésus : La parabole du serviteur obéissant, Luc 17.7–10

Par Peter Amsterdam

novembre 25, 2017

 [The Stories Jesus Told: The Parable of the Obedient Servant]

L’Evangile de Luc contient un certain nombre de paraboles commençant par une question qui appelle une réponse évidente. Par exemple, Jésus demandait : « Si l’un de vous possède cent brebis, et que l’une d’elles vienne à se perdre, n’abandonnera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres au pâturage pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? »[1] Et « Si l’un de vous veut bâtir une tour, est-ce qu’il ne prend pas d’abord le temps de s’asseoir pour calculer ce qu’elle lui coûtera « ?[2] D’autres paraboles commencent par une question à laquelle tout le monde répondrait par la négative, comme par exemple: « Il y a des pères parmi vous. Lequel d’entre vous donnera un serpent à son fils quand celui-ci lui demande un poisson ? »[3]

La parabole du serviteur obéissant commence, non pas par une seule question, mais par trois questions, dont deux appellent une réponse négative et l’autre une réponse positive.

Supposons que l’un de vous ait un serviteur occupé à labourer ou à garder le troupeau. En le voyant rentrer des champs, lui direz-vous : « Viens vite, assieds-toi à table » ? Ne lui direz-vous pas plutôt : « Prépare-moi mon dîner, mets-toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie fini de manger et de boire ; ensuite tu mangeras et tu boiras à ton tour » ? Le maître doit-il une reconnaissance particulière à cet esclave parce qu’il a fait ce qui lui était commandé ? Bien sûr que non ! Il en est de même pour vous. Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites : « Nous ne sommes que des serviteurs sans mérite particulier ; nous n’avons fait que notre devoir. »[4]

Dans cette parabole, Jésus parle d’un serviteur. Certaines traductions de la Bible emploient le mot esclave pour désigner le serviteur. La raison en est que le mot grec doulos peut être traduit indifféremment par serviteur, domestique ou esclave. A l’époque de Jésus, l’esclavage était très courant dans tout l’Empire romain. On estime qu’entre vingt et trente pour cent de la population de l’Empire était constituée d’esclaves. Le fait que Jésus ait pris comme exemple un esclave ne veut pas dire qu’Il cautionnait l’esclavage. Il a pris l’exemple d’un serviteur/esclave dans sa parabole pour exprimer son point de vue, étant donné qu’à son époque l’esclavage était très courant et que c’était un concept que tout le monde pouvait comprendre. On a un aperçu de ce que Jésus pensait de l’esclavage quand on se rend compte que l’appel adressé à ses disciples à pardonner les dettes[5] minait la légitimité de l’esclavage pour cause d’endettement. L’Ecriture nous dit aussi que Jésus, qui, dès l’origine, était de condition divine, ne chercha pas à profiter de l’égalité avec Dieu, mais Il s’est dépouillé Lui-même, et Il a pris la condition du serviteur. (doulos/esclave).[6]

L’esclavage, à l’époque de Jésus, n'avait rien à voir avec des questions de race, comme ce fut le cas plus tard dans le Nouveau Monde. A l’époque de l’Empire romain, les gens pensaient que la liberté des uns n’était possible qu’en réduisant les autres en esclavage. Les concepts du droit pour tous à la liberté et du crime d’esclavage auraient été tout à fait incompréhensibles pour l’époque. La majorité des esclaves provenaient des camps qui avaient perdu une bataille et leurs enfants. Certaines personnes se vendaient elles-mêmes comme esclaves afin d’échapper à la pauvreté ou pour rembourser une dette. D’autres le faisaient pour obtenir un emploi particulier. Certains esclaves étaient parfois propriétaires et possédaient eux-mêmes des esclaves. Il n’était pas rare que des esclaves soient affranchis ou qu’ils aient la possibilité de racheter leur liberté à un moment donné. Certains esclaves étaient éduqués, et un bon nombre d’entre eux occupaient un poste sensible ou comportant d’importantes responsabilités. D’autres recevaient une formation de médecin, d’architecte, d’artisan, de commerçant, de cuisinier, de coiffeur/barbier, et même d’artiste. D’autres encore géraient les affaires de leur maître et étaient considérés comme faisant partie de la maisonnée de leur maître. Dans la culture de l’époque, la plupart des gens qui servaient une personne d’un rang social et économique plus élevé et qui étaient attachés à leur maisonnée, en retiraient un sentiment d’honneur et d’appartenance, et ils bénéficiaient aussi d’une certaine sécurité économique et alimentaire. Bien sûr, ce n’était pas toujours le cas, mais ce n’était pas rare. Quoi qu’il en soit, à l’époque de Jésus, les esclaves étaient des esclaves, et ce n’étaient donc pas des personnes libres.[7]

En réponse à la première question,  personne, parmi ceux qui écoutaient Jésus, n’aurait envisagé que leur serviteur ou leur esclave, qu’il soit laboureur ou berger, rentre de son travail et se mette à table pour manger. Les rôles traditionnels de maître et de serviteur étaient strictement définis à cette époque, et permettre un tel comportement aurait sous-entendu que le serviteur avait le statut d’invité d’honneur ou qu’il était l’égal du maître. En commençant sa parabole par cette question, Jésus savait qu’Il piquerait la curiosité de son auditoire.

Si, pour nous, cela peut paraître cruel de demander à un homme ou une femme qui revient des champs après avoir travaillé toute la journée, de préparer un repas, de changer de tenue pour servir le repas de son maître, et seulement une fois ses tâches terminées, lui permettre de manger, dans le monde antique c’était quelque chose de tout à fait normal. En réponse à la seconde question, tout le monde aurait été d’accord pour dire qu’il était tout à fait normal que le serviteur rentre des champs et se prépare à servir le maître avant de prendre lui-même son repas.

Dans le contexte de l’époque, personne, parmi ceux qui entendaient cette parabole ne se serait attendu à ce qu’un serviteur bénéficie d’un traitement de faveur pour avoir dûment rempli ses fonctions. Le serviteur faisait simplement ce qu’on attendait de lui en tant que serviteur. Le maître ne devait rien au serviteur pour avoir gardé les brebis ou pour avoir travaillé aux champs. Il ne s’était rien passé qui sorte de l’ordinaire, et personne ne se serait attendu à ce que le serviteur bénéficie de privilèges spéciaux pour avoir simplement fait son travail. Le serviteur avait fait passer les besoins de son maître avant les siens. Il avait reconnu et accepté le fait que sa première responsabilité était de servir son maître.

A la troisième question, « Le maître doit-il une reconnaissance particulière à cet esclave parce qu’il a fait ce qui lui était commandé ?», ils auraient bien évidemment répondu : « Bien sûr que non ! » Le mot grec traduit par « reconnaissance » ou « remerciement » est charis, qui est généralement traduit par « grâce », dans le Nouveau Testament. Toutefois, dans l’Evangile de Luc, il est également employé pour signifier mérite ou faveur, de sorte que cela implique de « recevoir une récompense ». Donc, la question posée est  la suivante : Le maître doit-il une récompense ou une faveur au serviteur qui a fait ce qu’on lui avait demandé de faire ?

Kenneth Bailey nous donne l’explication suivante :

Le maître peut très bien exprimer son appréciation à son serviteur à la fin d’une journée de labeur, par quelques mots de remerciements. La question est bien plus précise que cela. Il s’agit de savoir si le maître est redevable à son serviteur d’avoir exécuté ses ordres ? C’est une question qui appelle une réponse catégoriquement négative dans la parabole.[8]

Arrivé à ce point de la parabole, Jésus s’adressa à ses auditeurs qui, dans le contexte de l’Evangile de Luc, n’étaient autres que ses disciples, en leur disant:

« Il en est de même pour vous. Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites : « Nous ne sommes que des serviteurs sans mérite particulier ; nous n’avons fait que notre devoir.’ »

Dans ce verset, les mots « des serviteurs sans mérite particulier » ou, comme d’autres traductions le rendent, « des serviteurs inutiles »—peuvent être également traduits par « des serviteurs qui n’ont besoin de rien ». Autrement dit, cela veut dire que les serviteurs ou les disciples qui ont fait ce qu’on leur avait commandé de faire n’ont « besoin de rien », et donc que leur maître ne leur doit rien. Le maître ne doit rien au serviteur qui n’a fait que ce qu’on attendait de lui.

Le message, adressé ici aux disciples, était que Dieu n’a pas de dette envers ceux qui Le servent. Il ne leur est pas redevable.

Cela ne veut pas dire que Dieu ne récompense pas ceux qui L’aiment et Le servent, mais cela veut dire que les gens qui servent Dieu n’ont aucun droit de réclamer une quelconque récompense. Le disciple est un serviteur qui sert le Seigneur par amour, par devoir et par loyauté envers Lui. L’apôtre Paul disait de lui-même qu’il était un serviteur, ou un esclave, suivant la version de la Bible que vous lisez, ce qui signifie qu’il voyait sa relation avec le Seigneur comme celle d’un travailleur motivé par sa loyauté et le sens du devoir plutôt que par l’espoir d’un gain financier ou autre. Il sert son maître et se sent en parfaite sécurité, car il sait que son maître s’occupera de lui et le prendra entièrement en charge.[9]

Notre salut est un don que Dieu nous octroie ; nous ne l’avons ni gagné ni mérité. Nous Le servons par gratitude et par amour, et aussi par sens du devoir envers Celui qui nous a rachetés. Une fois que nous avons obéi à ses ordres, nous ne Le mettons pas en situation de nous « devoir » quelque chose. Nous ne devrions pas garder mentalement le compte de toutes les choses que nous avons faites pour le Seigneur, en nous attendant à ce que Dieu nous soit redevable.

Cela ne signifie pas pour autant que ceux qui servent Dieu ne reçoivent aucune récompense. Jésus a parlé de récompenses à maintes reprises.

Quant à toi, si tu veux donner quelque chose aux pauvres, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta main droite. Que ton aumône se fasse ainsi en secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. Quand tu veux prier, va dans ta pièce la plus retirée, verrouille ta porte et adresse ta prière à ton Père qui est là, dans le lieu secret. Et ton Père, qui voit dans ce lieu secret, te le rendra. … Pour que personne ne se rende compte que tu es en train de jeûner. Que ce soit un secret entre toi et ton Père, qui est là dans le lieu secret. Alors ton Père, qui voit ce qui se fait en secret, te le rendra.[10]

Heureux serez-vous quand les hommes vous haïront, vous rejetteront, vous insulteront, vous chasseront en vous accusant de toutes sortes de maux à cause du Fils de l’homme. Quand cela arrivera, réjouissez-vous et sautez de joie, car une magnifique récompense vous attend dans le ciel. En effet, c’est bien de la même manière que leurs ancêtres ont traité les prophètes.[11]

Vous, au contraire, aimez vos ennemis, faites-leur du bien et prêtez sans espoir de retour. Alors votre récompense sera grande, vous serez les fils du Très-Haut, parce qu’Il est Lui-même bon pour les ingrats et les méchants.[12]

On nous a promis une récompense, mais dans le cadre de notre relation avec Dieu, il ne s’agit pas de quelque chose que nous avons gagné, ou que nous pouvons marchander ou nous efforcer de mériter. En tant que serviteurs du Seigneur, nous travaillons pour Lui afin de remplir nos obligations envers Lui. Ce que nous recevons de Dieu est un don de sa main, certainement pas un paiement pour services rendus. Peu importe que nous travaillions dur pour le Seigneur et depuis combien de temps nous Le servons, en aucun cas pouvons-nous considérer Dieu comme notre débiteur. Nous Le servons parce qu’Il nous a sauvés. Nous Le servons parce que nous sommes reconnaissants. Nous Le servons parce que nous L’aimons. Et c’est précisément parce que notre service est motivé par l’amour et la gratitude, et non pas par l’attente d’une récompense, qu’Il nous récompense.


La parabole du serviteur obéissant, Luc 17.7–10

7 —Supposons que l’un de vous ait un serviteur occupé à labourer ou à garder le troupeau. En le voyant rentrer des champs, lui direz-vous : « Viens vite, assieds-toi à table » ?

8 Ne lui direz-vous pas plutôt : « Prépare-moi mon dîner, mets-toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie fini de manger et de boire ; ensuite tu mangeras et tu boiras à ton tour » ?

9 Le maître doit-il une reconnaissance particulière à cet esclave parce qu’il a fait ce qui lui était commandé ? Bien sûr que non !

10 Il en est de même pour vous. Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites : « Nous ne sommes que des serviteurs sans mérite particulier ; nous n’avons fait que notre devoir. »


NB :

Sauf indication contraire, les passages bibliques cités sont extraits de la Sainte Bible, version du Semeur, copyright ©2000 par la Société Biblique Internationale. Tous droits réservés. Avec permission.



[1] Luc 15.4.

[2] Luc 14.28.

[3] Luc 11.11.

[4] Luc 17.7–10.

[5] Matthieu 6.12.

[6] Philippiens 2.6–7.

[7] Points empruntés à J. A. Harrill, Slavery, [Esclavage] in C. A. Evans & S. E. Porter, eds., Dictionary of New Testament Background [Dictionnaire de contexte du Nouveau Testament]. (Downers Grove, IL. InterVarsity Press, 2000), 1124–1127.

[8] Kenneth Bailey, Through Peasant Eyes [A travers le regard d’un paysan] (Grand Rapids. William B. Eerdmans Publishing Company, 1980), 120.

[9] Idem, 124.

[10] Matthieu 6.3–4, 6, 18.

[11] Luc 6.22–23.

[12] Luc 6.35.

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