Jésus—Sa vie et son message : Jean et Jésus (3ème partie)

mai 11, 2015

par Peter Amsterdam

[Jesus—His Life and Message: John and Jesus, Part 3] 

(Vous pouvez lire l’explication et la présentation d’ensemble de cette série dans l’article d’introduction.)

Avant d’examiner de plus près les débuts du ministère de Jésus, nous allons suivre le parcours du ministère de Jean, pour voir quels étaient les liens et les relations existant entre Jésus et Jean, et leurs disciples respectifs.

Pendant un certain temps, Jésus et Jean ont exercé leur ministère simultanément. Le ministère de Jean était déjà bien établi quand Jésus s’est fait baptisé. Jean était célèbre, et les gens venaient de loin pour se faire baptiser et l’entendre prêcher.

Peu de temps après avoir été baptisé par Jean, Jésus commença son ministère. L’Evangile de Jean nous apprend indirectement que le ministère de Jésus prenait de l’ampleur et gagnait en popularité, selon les dires des disciples de Jean le Baptiste, qui informèrent celui-ci que cet homme [Jésus] qui était avec toi de l'autre côté du Jourdain et pour qui tu as témoigné. Eh bien, le voilà qui baptise à son tour, et tout le monde se rend auprès de Lui.[1]

Nous apprenons qu’il y avait des contacts et des échanges entre les ministères de Jean et de Jésus, comme la fois où les disciples de Jean vinrent trouver Jésus pour Lui demander :

« Comment se fait–il que tes disciples ne jeûnent pas, alors que nous, comme les pharisiens, nous le faisons souvent ? »[2]

Nous lisons qu’un des disciples de Jésus mentionne le fait que Jean avait appris à ses disciples à prier :

Un jour, Jésus priait en un certain lieu. Quand Il eut fini, l'un de ses disciples Lui demanda : « Seigneur, apprends–nous à prier, comme Jean l'a appris à ses disciples ! »[3] Par la suite, quand certains Juifs tentèrent de se saisir de Lui et de L’arrêter, Jésus s’enfuit dans un lieu où Jean avait baptisé au début.

Les chefs des Juifs tentèrent à nouveau de se saisir de Lui, mais Il leur échappa. Après cela, Jésus se retira de l’autre côté du Jourdain, au lieu même où Jean avait précédemment baptisé. Il y resta quelque temps.[4]

Tous les Evangiles parlent de l’emprisonnement de Jean, suivi plus tard de sa décapitation sur l’ordre d’Hérode Antipas. Matthieu et Marc relatent tous deux les événements entourant son incarcération et son exécution. Voici comment Marc rapporte l’incident:

En effet, Hérode avait donné l’ordre d’arrêter Jean et de le jeter en prison, enchaîné. C’était à cause d’Hérodiade, qu’Hérode avait épousée bien qu’elle fût la femme de son frère Philippe. Car Jean disait à Hérode : il ne t’est pas permis de prendre la femme de ton frère ! Hérodiade était remplie de haine contre Jean et voulait le faire exécuter, mais elle ne le pouvait pas. En effet, Hérode craignait Jean, car il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait. Quand il l’écoutait, il était très embarrassé ; pourtant il aimait l’écouter.

Cependant, une occasion favorable se présenta pour Hérodiade, le jour de l'anniversaire d'Hérode. Celui–ci donna un banquet aux membres de son gouvernement, aux chefs de l'armée et aux notables de Galilée. La fille d'Hérodiade entra dans la salle et dansa ; elle plut à Hérode et à ses invités. Le roi dit alors à la jeune fille : Demande–moi ce que tu voudras, et je te le donnerai. Et il lui fit ce serment solennel : Je jure de te donner ce que tu demanderas, même la moitié de mon royaume. La jeune fille sortit et dit à sa mère : Que dois–je demander ? Celle–ci répondit : La tête de Jean–Baptiste. La jeune fille se hâta de retourner auprès du roi et lui fit cette demande : Je veux que tu me donnes tout de suite la tête de Jean–Baptiste sur un plat ! »

Le roi devint tout triste ; mais il ne voulut pas lui opposer un refus, à cause des serments qu’il avait faits devant ses invités. Il envoya donc immédiatement un soldat de sa garde, avec l'ordre d'apporter la tête de Jean–Baptiste. Le soldat se rendit à la prison et coupa la tête de Jean. Puis il apporta la tête sur un plat et la donna à la jeune fille, et celle–ci la donna à sa mère. Quand les disciples de Jean apprirent la nouvelle, ils vinrent prendre son corps et le mirent dans un tombeau.[5]

D’après Flavius Josèphe, l’historien juif du premier siècle de notre ère, Hérode avait emprisonné Jean à Machéronte, dans une de ses forteresses situées sur la côte est de la Mer Morte ; puis il ordonna son exécution parce qu’il redoutait la grande influence que Jean exerçait sur le peuple et craignait qu’il incite la population à se soulever contre lui.[6] Flavius Josèphe parle aussi du mariage d’Hérode avec Hérodiade, l’épouse de son frère, mais il n’évoque à aucun moment ce mariage comme étant la cause principale de la mort de Jean. En bon historien, il décrit cet épisode dans le contexte plus large des événements de l’époque, et lui assigne des raisons purement politiques. Marc et Matthieu nous disent que Jean fut exécuté parce qu’il avait dénoncé le mariage d’Hérode avec Hérodiade, l’épouse de son frère, et ils relatent les faits sous l’angle d’une intrigue et d’un règlement de comptes personnel à la cour du roi.[7]

Hérodiade voulait la mort de Jean, mais si l’on en croit Marc, Hérode le considérait comme un homme juste et pieux, et il aurait voulu l’épargner. Par contre, Matthieu nous dit qu’Hérode voulait, lui aussi, la mort de Jean mais qu’il craignait le peuple qui considérait Jean comme un prophète.[8] Leon Morris a commenté les différences qui apparaissent sur ce point entre les deux récits:

Il ne fait aucun doute que les deux évangélistes considéraient qu’il y avait, au palais, de l’hostilité envers Jean à la fois de la part d’Hérode et d’Hérodiade. Hérodiade avait pris comme une insulte personnelle ce que Jean avait dit sur son mariage à Hérode et, faisant fi des conséquences, elle voulait sa mort. Hérode aussi voulait la mort de Jean, mais il s’inquiétait des conséquences. Il hésitait car il savait quelle sorte d’homme était Jean et il redoutait la réaction du peuple s’il faisait exécuter ce saint homme.[9]

Mais en fait, qui était Hérodiade, et pourquoi son mariage avec Hérode Antipas posait-il un problème?[10] Voici comment Leon Morris explique la relation complexe qui les liait :

Cette femme était la petite-fille d’Hérode le Grand, étant la fille de son fils Aristobule. Elle épousa son oncle Hérode Philippe (à ne pas confondre avec Philippe le tétrarque mentionné en Luc 3:1), qui était le demi-frère d’Hérode Antipas. Hérode Philippe et Hérodiade eurent une fille, Salomé. Hérode Antipas épousa une princesse nabatéenne, fille d’Arétas, le roi de Petra, mais Hérodiade et lui tombèrent amoureux l’un de l’autre. Ils décidèrent de se marier, ce qui poussa Hérodiade à quitter Philippe, le demi-frère d’Hérode. La fille d’Arétas eut vent de l’affaire et elle s’enfuit chez son père qui déclara rapidement la guerre à Hérode et le battit (ce qui déclencha l’intervention de Rome). Il se trouve que Salomé, la fille d’Hérodiade, qui avait dansé pour Hérode, épousa plus tard  Philippe le tétrarque, demi-frère de son père Hérode Philippe, devenant ainsi à la fois la tante et la belle-sœur de sa propre mère.[11]

C’était donc une situation pour le moins compliquée. Par ailleurs, la loi mosaïque interdisait formellement à un homme d’avoir des rapports sexuels avec la femme de son frère[12] :

Tu n’auras pas non plus de relations sexuelles avec la femme de ton frère ; car à travers elle, c’est à ton frère que tu porterais atteinte.[13] Si un homme prend pour épouse la femme de son frère, il agit de façon répugnante ; l’homme a déshonoré son frère.[14]

Il est clair que les Hérode n’avaient que peu de respect pour la Loi, comme en témoigne le mariage illégal d’Antipas et d’Hérodiade.

On ne nous dit pas combien de temps Jean fut emprisonné avant d’être exécuté, mais certains commentateurs pensent qu’il est probablement resté emprisonné pendant environ un an. Ce que nous révèlent les Evangiles, c’est que lorsque Jean fut exécuté, le ministère de Jésus battait déjà son plein.

La mort brutale de Jean survint au cours de la fête d’anniversaire d’Hérode, à laquelle assistaient des personnalités politiques telles que des magistrats, des commandants militaires romains, et d’autres notables.[15] Les lecteurs du premier siècle de notre ère n’auraient pas trouvé curieux qu’il y ait eu des danses au cours de la fête, mais ils se seraient attendus à ce que soient des danseuses professionnelles qui exécutent les danses. Par contre, ils auraient considéré comme étant de très mauvais goût qu’une princesse, en l’occurrence Salomé, danse devant tous ces hommes au cours de la fête.[16] La danse plut beaucoup à Hérode, et il jura de lui donner ce qu’elle demanderait, « même si c’était la moitié de mon royaume » – exactement ce que le roi Xerxès avait promis à Esther dans l’Ancien Testament.[17]

Salomé, qui avait peut-être 12 ou 14 ans[18], demanda conseil à sa mère, et suivant les instructions de celle-ci, elle revint vite demander à Hérode: « Je veux que tu me donnes tout de suite la tête de Jean–Baptiste sur un plat ! » En précisant « tout de suite » et en exigeant que la tête de Jean lui soit livrée sur un plat, elle ne laissait à Hérode aucune marge de manœuvre ni même la possibilité de surseoir à l’exécution. Cette manœuvre de palais, perpétrée par Hérodiade, força Hérode à lui donner satisfaction immédiatement. Hérode tint sa promesse, et ce faisant, il sauva la face devant ses invités, mais il assassina un homme innocent. Guelich fait la remarque suivante:

Hérodiade qui, au commencement de l’histoire, était la cause de l’emprisonnement de Jean, mit fin à cet épisode en remportant son prix.[19]

Avant sa mort, Jean avait quelques doutes et se posait des questions sur Jésus et sur son ministère. Matthieu nous dit que lorsque du fond de sa prison, Jean apprit tout ce que faisait le Christ, il envoya auprès de Lui deux de ses disciples. Ils Lui demandèrent : « Es–Tu celui qui devait venir ou bien devons–nous en attendre un autre » ?[20] Pourquoi Jean, qui avait auparavant reconnu Jésus comme étant ce personnage plus grand que lui, Celui qui devait venir et qui n’avait pas besoin d’être baptisé par lui, aurait-il mis en doute l’identité de Jésus ? En demandant s’ils devaient en attendre un autre, il suggérait que Jésus n’était peut-être qu’un simple précurseur du Messie et que le véritable Messie n’était pas encore apparu. Pour quelle raison Jean envoya-t-il ses disciples interroger Jésus à ce sujet ? Il est probable que cela tenait à l’idée que Jean se faisait du rôle du Messie.

Lorsqu’il évoquait celui qui devait venir après lui, il est clair que Jean envisageait le jugement:

Attention ! La hache est sur le point d’attaquer les arbres à la racine : tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu.… Il tient en main sa pelle à vanner, pour nettoyer son aire de battage, et Il amassera le blé dans son grenier. Quant à la bale, Il la brûlera dans un feu qui ne s’éteindra jamais.[21]

Le ministère de Jésus avait déçu les attentes de Jean, qui étaient généralement partagées par la population juive de l’époque.[22] Au lieu d’apporter le jugement et la délivrance, Jésus se mêlait aux gens ordinaires ; Il les enseignait, Il leur parlait de Dieu et guérissait les malades. Dans l’esprit de Jean et des gens qui partageaient son point de vue, la nature des activités de Jésus Le disqualifiaient d’être le Messie. La conception erronée qu’avait Jean de la mission et du rôle du Messie le rendait perplexe, et c’est pourquoi il cherchait à obtenir des éclaircissements et des précisions sur le rôle de Jésus. Dans sa réponse à Jean, Jésus lui explique le rôle exact du Messie, tout en lui confirmant qu’Il est bien le Messie.

Jésus répond aux disciples de Jean: 

Retournez auprès de Jean et racontez–lui ce que vous entendez et ce que vous voyez : les aveugles voient, les paralysés marchent normalement, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Heureux celui qui ne perdra pas la foi à cause de Moi.[23]

Jésus leur répond en faisant référence à plusieurs citations du livre d’Esaïe. Il n’était pas nécessaire qu’Il citât la totalité du passage en question, puisqu’à l’époque, les gens connaissaient parfaitement les Ecritures et qu’il suffisait de citer quelques mots d’un verset pour que les auditeurs s’en rappellent la totalité, comme dans l’exemple suivant: 

Alors les yeux des aveugles verront clair, les oreilles des sourds entendront. Les boiteux bondiront comme des gazelles, et la bouche des muets s’ouvrira pour exprimer leur joie. De l’eau jaillira dans le désert, des fleuves couleront dans la terre sèche.[24]Vous les sourds, écoutez ! Vous, les aveugles, regardez et voyez ![25] L’Esprit de l’Eternel, du Seigneur, est sur Moi car l’Eternel M’a oint pour annoncer aux humiliés une bonne nouvelle. Oui, Il M’a envoyé afin de panser ceux qui ont le cœur brisé, d’annoncer aux captifs leur délivrance et à ceux qui sont prisonniers leur mise en liberté.[26]

Jean le Baptiste, et les premiers lecteurs de l’Evangile, auraient compris que Jésus leur disait qu’Il faisait ce que l’Esprit du Seigneur lui avait donné l’onction de faire. Dans les chapitres précédant immédiatement la question de Jean, Luc et Matthieu rapportent les choses merveilleuses que Jésus accomplissait. Voici ce que dit Luc:

Au coucher du soleil, tous ceux qui avaient chez eux des malades atteints des maux les plus divers les amenèrent à Jésus. Il posa ses mains sur chacun d’eux et les guérit. Des démons sortaient aussi de beaucoup d'entre eux en criant : « Tu es le Fils de Dieu ! »[27] Il y avait aussi là une foule immense : des gens de toute la Judée, de Jérusalem et des villes de la côte, Tyr et Sidon ; ils étaient venus pour L’entendre et se faire guérir de leurs maladies. Ceux que tourmentaient des esprits mauvais étaient guéris. Tout le monde cherchait à Le toucher, parce qu’une force sortait de Lui et les guérissait tous.[28]

Jean attendait surtout le Messie dans son rôle de juge. Jésus donna une image beaucoup plus large de la mission du Messie. S’il est vrai que le Messie exercerait son jugement, le rôle de Jésus sur la terre ne se limitait pas au jugement, mais consistait à manifester le grand amour de Dieu pour l’humanité par son enseignement et ses actes. La réponse de Jésus à Jean replaçait le rôle du Messie dans cette perspective plus large. Il dit aux disciples de Jean de lui transmettre le message qu’il n’y avait pas besoin d’en attendre un autre, car même si les actes de Jésus ne répondaient pas aux attentes de Jean, ils accomplissaient le plan de Dieu.

Après le départ des disciples de Jean, Jésus se mit à parler de Jean aux foules, en déclarant:

« Qu'êtes–vous allés voir au désert ? leur demanda–t–Il. Un roseau, agité çà et là par le vent ? Oui, qui donc êtes–vous allés voir ? Un homme habillé avec élégance ? Généralement, ceux qui sont élégamment vêtus vivent dans les palais royaux. Mais qu'êtes–vous donc allés voir au désert ? Un prophète ? Oui, assurément, et même bien plus qu'un prophète, c'est Moi qui vous le dis ».[29]

Voici l’explication que Leon Morris propose de ce passage :

Il fallait que les gens soient très motivés pour aller dans le désert, et l’idée qu’ils allaient voir un prophète leur donnait cette forte motivation. Un prophète était le porte-parole de Dieu; pour les Juifs, il n’y avait pas de piédestal plus haut sur lequel on puisse placer un homme. Et s’il est vrai qu’il y avait eu dans le passé de nombreux prophètes, les gens de cette époque n’en avait jamais vu un seul, ni d’ailleurs leurs ancêtres, et ce depuis plusieurs siècles. Donc, on comprend qu’ils se seraient rués pour aller voir un prophète.[30]

Jésus confirme que Jean était un vrai prophète et Il ajoute même qu’il était bien plus qu’un prophète. Jésus nous donne ici son évaluation de Jean et de son ministère.

« Car c’est celui dont il est écrit : J’enverrai mon messager devant Toi, il Te préparera le chemin. Vraiment, Je vous l'assure : parmi tous les hommes qui sont nés d'une femme, il n'en a paru aucun de plus grand que Jean–Baptiste. Et pourtant, le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. Depuis l'époque où Jean–Baptiste a paru jusqu'à cette heure, le royaume des cieux se force un passage avec violence, et ce sont les violents qui s'en emparent. En effet, jusqu’à Jean, tous les prophètes et la Loi l’ont prophétisé. Et, si vous voulez le croire, c’est lui, cet Elie qui devait venir. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ».[31]

Jésus cite l’Ancien Testament pour confirmer que Jean est bien le messager de Dieu, qu’il est « cet Elie qui devait venir ». Puis Jésus déclare qu’il n’y a jamais eu personne de plus grand que Jean, qu’il est bien plus qu’un prophète et qu’il accomplit la prophétie. Il est le précurseur envoyé par Dieu pour préparer le peuple à la venue du Messie. Et cependant, aussi grand que Jean puisse être, « le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que lui. » Jésus ne cherche pas à rabaisser Jean, et Il ne compare pas sa stature morale ou son service à celui d’autres. Il parle de privilège – Il dit que ceux qui sont les plus petits dans le royaume des cieux sont plus grands que Jean, non pas en vertu de ce qu’ils font au service de Dieu, mais en vertu de ce que Dieu a fait pour eux. Même le fait d’être le précurseur et le messager de Dieu sur terre, comme c’est le cas de Jean, n’est pas un privilège aussi important que de pouvoir prendre part au ministère de Celui qui vient – et d’être héritiers du royaume que Jean, en sa qualité de dernier prophète de l’Ancien Testament, a prédit et prophétisé.[32]

Matthieu déclare ensuite:

Depuis l'époque de Jean-Baptiste jusqu’à présent, le royaume des cieux est assailli avec force, et les violents s’en emparent.[33]

Ce verset est généralement interprété comme décrivant une attaque contre le royaume de Dieu par des hommes violents. Toutefois, on comprendra mieux le sens de ce verset en le lisant à la lumière de Michée 2:13, qui nous dit :

Celui qui fait la brèche marchera devant eux. Ils se presseront par la brèche, ils franchiront la porte et sortiront par elle. Leur Roi marchera devant eux, l’Eternel sera à leur tête. [34]

Dans ce verset, il y a deux personnages importants : il y a celui qui ouvre la brèche et force le passage; et le roi qui s’engouffre dans la brèche à la tête de son peuple. Ces deux personnes jouent un rôle capital dans l’espérance des Juifs qui attendent leur rédemption future. Elie devait venir en premier pour forcer le passage, et il serait suivi par ceux qui se presseraient dans le passage à la suite de leur roi, le Messie.[35] Jésus révéla que Jean était Elie :

En effet, jusqu’à Jean, tous les prophètes et la Loi l’ont prophétisé. Et, si vous voulez le croire, c’est lui, cet Elie qui devait venir.[36]

Jean est celui qui ouvre la brèche et qui permet au royaume de se forcer un passage. Ensuite, les autres s’engouffrent dans la brèche avec leur roi, le Messie, à leur tête.

Par conséquent, ce verset pourrait être traduit de la façon suivante:

Depuis l'époque où Jean–Baptiste a paru jusqu'à cette heure, le royaume des cieux se force un passage avec violence, et ce sont les violents qui s'en emparent.[37] 

Dès le début du ministère de Jean, le Royaume des cieux se force un passage, et ceux qui se forcent un passage avec lui recherchent les principes du règne de Dieu de toutes leurs forces. Ils sont animés d’une grande ferveur pour l’œuvre du Seigneur. Ils s’emploient à suivre la règle de Dieu dans tous les aspects de leur existence. Ils deviennent des sujets du roi, ils acceptent le joug du royaume de Dieu et veulent voir le pouvoir de rédemption et de guérison de l’amour pénétrer un monde rempli de gens qui ont besoin de Dieu.[38]

Jésus avait pour Jean une grande estime, même après que celui-ci avait exprimé des doutes sur le rôle de Jésus. Jésus réitéra l’importance capitale de l’appel et du ministère de Jean, en faisant le lien avec la prophétie de l’Ancien Testament :

« J’enverrai mon messager devant Toi, il Te préparera le chemin. »[39]

Puis Jésus fait remarquer à son auditoire la similitude de réactions des gens à son ministère et à celui de Jean, bien que leurs méthodes et leurs styles soient différents.

« A qui donc pourrais–Je comparer les gens de notre temps ? Ils sont comme ces enfants, assis sur la place du marché, qui crient à leurs camarades : ‘Quand nous avons joué de la flûte, vous n’avez pas dansé. Et quand nous avons chanté des airs de deuil, vous ne vous êtes pas lamentés.’ En effet, Jean est venu, il ne mangeait pas et ne buvait pas de vin. Et qu'a–t–on dit ? ‘Il a un démon en lui !’ Le Fils de l’homme est venu, Il mange et boit, et l’on dit : ‘Cet homme ne pense qu’à faire bonne chère et à boire du vin, Il est l’ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs notoires.’ Et cependant, la sagesse de Dieu se fait reconnaître comme telle par les œuvres qu’elle accomplit. »[40]

La signification de cette parabole est encore débattue, mais l’une des explications est que « les gens de notre temps » se plaignent que Jean et Jésus ne se comportent pas comme ils l’auraient voulu. Ils accusent Jean d’avoir un démon parce que c’est un ascète; Jésus, au contraire, ne se met pas à l’écart des pécheurs, mais Il mange et boit avec les pires d’entre eux, et donc ils Le considèrent comme un glouton et un ivrogne. Les gens se plaignent que ni Jésus ni Jean ne veulent « danser sur leur musique », ils ne veulent pas se plier à leurs exigences, alors Jésus les compare à des enfants capricieux et gâtés qui se plaignent que leurs camarades de jeu ne se plient pas à leur volonté. 

Tout au long de son ministère, Jésus essuiera des critiques pour ne pas avoir répondu à l’attente des gens. Mais en définitive, la sagesse de Dieu sera rendue manifeste, même si le résultat est très différent de ce que la plupart des gens attendaient. 


NB:

Sauf indication contraire, les passages bibliques cités sont extraits de la Sainte Bible, version du Semeur, copyright ©2000 par Société Biblique Internationale. Tous droits réservés. Avec permission. Les autres versions citées sont la Bible en français courant (BFC), la Parole de Vie (PDV), la Bible Segond 21 (SEG21).


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[1] Jean 3:26.

[2] Matthieu 9:14.

[3] Luc 11:1.

[4] Jean 10:39–40.

[5] Marc 6:17–29 BFC.

[6] Antiquités judaïques, 18:117–118.

[7] Guelich, Commentaire biblique universel, Marc, 331.

[8] Matthieu 14:5.

[9] Morris, L’Evangile selon Matthieu, 143.

[10] Ce mariage a été brièvement décrit dans un article précédent de cette série, dans Jésus—Sa vie et son message: dirigeants et religion.

[11] Morris, L’Evangile selon Matthieu, 142.

[12] Sauf dans le cas d’un lévirat. Deutéronome 25:5–6: – Si deux frères demeurent ensemble et que l'un d'eux vienne à mourir sans laisser d'enfant, sa veuve ne se remariera pas en dehors de la famille ; son beau–frère l'épousera pour accomplir son devoir de beau–frère envers elle. Le premier fils qu’elle mettra au monde perpétuera le nom du frère défunt pour que ce nom ne s’éteigne pas en Israël.

[13] Lévitique 18:16.

[14] Lévitique 20:21 BFC.

[15] Guelich, Commentaire biblique universel, Marc, 322.

[16] Morris, L’Evangile selon Matthieu, 372.

[17] Le roi lui demanda : « Que se passe–t–il, reine Esther ? Que désires–tu ? Je suis prêt à t'accorder jusqu'à la moitié de mon empire. » –– (Esther 5:3 BFC).

[18] Morris, L’Evangile selon Matthieu, 373.

[19] Guelich, Commentaire biblique universel, Marc, 333.

[20] Matthieu 11:2–3.

[21] Luc 3:9,17.

[22] Sur le sujet des attentes messianiques, voir : Jésus—Sa vie et son message: Le cadre historique.

[23] Luc 7:22: Matthieu 11:4–6.

[24] Esaïe 35:5–6 PDV.

[25] Esaïe 42:18.

[26] Esaïe 61:1.

[27] Luc 4:40–41.

[28] Luc 6:17–19 BFC.

[29] Matthieu 11:7–9.

[30] Morris, L’Evangile selon Matthieu, 279.

[31] Matthieu 11:10–15.

[32] W.C. Kaiser, Jr., P. H. Davids, F. F. Bruce, and M. T. Brauch. Les paroles difficiles de la Bible (Downers Grove, IL: InterVarsity, 1996),460.

[33] Matthieu 11:12 SEG21.

[34] Les éléments abordés dans ce paragraphe sont un résumé de l’explication de Young, Jésus le théologien juif.

[35] Young, Jésus le théologien juif, 54.

[36] Matthieu 11:13–14.

[37] Young, Jésus le théologien juif, 55.

[38] Idem

[39] Matthieu 11:10; Malachie 3:1.

[40] Matthieu 11:16–19.