Les histoires racontées par Jésus : L’ami en pleine nuit et les bonnes choses données par le Père, Luc 11.5-8, Luc 11.9-13, Matthieu 7.9-11

avril 28, 2020

par Peter Amsterdam

 [The Friend at Midnight and the Father’s Good Gifts]

Les Évangiles contiennent des principes fondamentaux sur la prière dans les prières de Jésus et ses enseignements sur la prière. Dans son évangile, Luc regroupe certains de ces enseignements au chapitre 11. Ce chapitre commence par la prière de Jésus puis, une fois qu’Il a terminé, ses disciples Lui demandent de leur apprendre à prier. C’est à ce moment-là que Jésus leur enseigne à prier ce qu’on appelle communément « le Notre Père ». On l’a également appelé « la prière des disciples » car c’est la prière que Jésus a donnée à ses disciples, et non pas une prière qu’il aurait Lui-même priée.

Luc poursuit sur le thème « apprends-nous à prier » en passant directement à la parabole de l’ami de minuit. Il s’agit d’une courte parabole, immédiatement suivie d’un adage ou d’un poème qui prolonge son enseignement sur la prière. Voyons ce que dit la parabole.

Il leur dit encore : —Supposons que l’un de vous ait un ami et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire : « Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi et je n’ai rien à lui offrir. » Supposons que, de l’intérieur de sa maison, cet ami lui réponde : « Ne m’ennuie pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi sommes au lit, je ne peux pas me lever pour te donner des pains. » Je vous le dis, même s’il ne se lève pas pour les lui donner parce que c’est son ami, il se lèvera à cause de son insistance et lui donnera tout ce dont il a besoin.[1]

Jésus commence la parabole par une longue question rhétorique, à laquelle pratiquement tous les Juifs du premier siècle auraient répondu : « Bien sûr que non ! » Voici ce qu’Il leur dit : « Pouvez-vous imaginer qu’un voisin vous réveille en pleine nuit pour vous demander du pain pour donner à manger à un visiteur surprise, et que vous lui répondiez : « Je ne peux pas t’aider ! Les enfants sont couchés et la porte est fermée à clé. » ?

La réponse est un non catégorique. L’hospitalité dans la Palestine du premier siècle était un principe profondément ancré dans les esprits. Dans un village, l’hospitalité n’était pas seulement une obligation personnelle, mais une obligation de toute la communauté. Si un invité rendait visite à une famille du village, il était considéré comme rendant visite à toute la communauté. Dans ce cas, la responsabilité qu’avait l’homme d’accueillir son ami devenait un devoir de toute la communauté. À ce titre, l’homme qui dormait avait le devoir de se lever et d’aider son voisin à se procurer les trois pains qu’il lui avait demandés, même si cela le dérangeait.

Aucun des auditeurs de Jésus n’aurait refusé de se lever, quelle que soit l’heure, pour aider un voisin dans le besoin. Ils savaient tous qu’il était très important que le voisin dans le besoin puisse offrir l’hospitalité à son visiteur. Et comme le voisin n’a pas assez de pain, l’ami se lèvera et lui donnera le pain qu’il lui a demandé. Personne ne refuserait en prétextant que les enfants dorment ou que la porte est fermée à clé. Jésus le savait, et tous ceux qui L’écoutaient le savaient aussi—ce qui, nous le verrons, est l’un des éléments clés de la parabole.

Le voisin avait peut-être un reste de pain chez lui, mais il ne pouvait pas le servir au visiteur. Il devait servir des miches de pain entières. Voici comment Kenneth Bailey explique l’importance du pain :

Le pain n’est pas le repas. Le pain est le couteau, la fourchette et la cuillère avec lesquels on consomme le repas. Les différents éléments du repas se trouvent dans des plats communs. Chaque convive a une miche de pain devant lui. Il en prend un petit morceau, le trempe dans le plat commun et met toute la « bouchée » dans sa bouche. Puis il reprend un petit morceau de pain et répète l’opération. Le plat commun n’est jamais souillé par la bouche du convive, puisqu’il mange chaque bouchée avec un nouveau morceau de pain.[2]

L’importance de l’hospitalité est illustrée par le fait que le voisin n’hésite pas à déranger l’homme endormi et à réveiller sa famille pour lui demander du pain. En fait, il est probable qu’il ne demande pas seulement du pain. Lorsqu’il dit : « un de mes amis qui est en voyage vient d’arriver chez moi et je n’ai rien à lui offrir », cela ne veut pas nécessairement dire que le voisin n’a rien à manger chez lui. Les auditeurs de Jésus auraient compris que le voisin disait qu’il n’avait pas suffisamment de nourriture à offrir à son visiteur. Dans un cas comme celui-ci, un hôte du premier siècle ferait tout son possible pour offrir à son invité le meilleur de ce qu’il peut trouver, même s’il doit l’emprunter ou dépenser au-delà de ses moyens. Cela faisait partie de la culture de l’hospitalité. À la fin de la parabole, Jésus dit que l’homme qui était couché se lèvera et donnera au voisin tout ce dont il a besoin. Il est donc probable qu’il ne lui donnera pas seulement du pain.

Comment le voisin savait-il que l’homme qui dormait avait du pain en réserve ? Les femmes du village faisaient cuire le pain par lots, souvent avec l’aide d’autres femmes, si bien qu’on savait qui, dans le quartier, avait récemment fait cuire un lot de pain et en avait probablement en réserve.

Quant à la réticence du dormeur à réveiller ses enfants : les maisons paysannes ne comportaient qu’une seule pièce où toute la famille dormait sur des nattes à même le sol. Le fait de se lever, de prendre le pain et de déverrouiller la porte signifiait qu’il réveillerait très probablement toute la famille. Mais dans le cas d’une demande légitime telle que l’obligation pour le voisin de servir suffisamment de nourriture pour recevoir convenablement son visiteur, il était évident qu’un tel dérangement serait toléré.

La parabole commençait par les mots « Supposons que l’un de vous … », auxquels les auditeurs auraient réagi en pensant « jamais de la vie ! » Puis Jésus exprime à voix haute la réponse en ajoutant même si l’homme couché n’a pas envie de se lever pour donner du pain à son voisin par amitié pour lui, il le fera quand même à cause de son insistance.

Les spécialistes de la Bible débattent de la signification du mot grec anaideia, qui est traduit par « insistance » dans la Segond 21 et par « importunité » dans d’autres versions/traductions. C’est le seul passage de la Bible où ce mot apparait, et la façon dont il est employé dans la parabole rend quelque peu difficile l’interprétation de l’histoire. La définition de anaideia est absence de retenue ou impudence, ce qui ne signifie pas exactement persistance ou importunité. Le sens d’importunité était communément admis dans les interprétations initiales de la parabole, mais aujourd’hui on l’interprète différemment.[3] La parabole ne dit pas que le voisin persiste et exige que l’homme qui dormait se lève pour lui donner du pain. Il n’est pas fait mention de coups continuels à la porte ou de demandes répétées, de sorte que l’idée de persistance ou d’importunité, ne cadre pas tout à fait avec la parabole.

Lorsqu’on recherche les définitions d’absence de retenue et d’impudence, on tombe sur des termes comme comportement insolent et arrogant ; culot, insistance déplacée, manque d’égard envers les autres ou leur opinion ; absence de honte ; désinvolture.

Au lieu de considérer que le voisin qui a besoin d’emprunter du pain est un importun, nous devrions le voir comme quelqu’un qui n’hésite pas à déranger son ami parce qu’il a une bonne raison de le faire, comme quelqu’un qui est certain que, même si le fait de réveiller son voisin le fera passer pour un impoli, sa demande sera acceptée. L’homme demande avec assurance et sans aucune gêne.

Si l’on considère que la demande initiale des disciples était « apprends-nous à prier », l’histoire racontée par Jésus nous encourage à prier avec assurance, à nous présenter devant Dieu sans état d’âme quand nous Lui demandons de subvenir à nos besoins.

Une technique d’enseignement couramment utilisée par les rabbins juifs consistait à raisonner en allant du plus petit vers le plus grand ou en partant de l’argument le plus léger pour aller au plus puissant, c’est-à-dire que si un raisonnement ou une conclusion s’applique dans un cas facile, il/elle s’applique d’autant plus à un cas plus important.[4] Jésus a utilisé cette méthode pour tirer la leçon de cette parabole. Voici ce qu’Il voulait dire : si l’ami qui dormait se lèvera pour répondre à la demande de son voisin dans le besoin, à plus forte raison Dieu répondra-t-il à nos prières lorsque nous Lui demandons quelque chose.

Cette parabole met en scène une situation de la vie de tous les jours et nous enseigne que Dieu répondra à nos prières. Il se lèvera, comme l’homme qui dormait, et nous donnera libéralement ce dont nous avons besoin. Jésus venait d’enseigner le Notre Père à ses disciples, une prière qui contient les mots « donne-nous, chaque jour, le pain dont nous avons besoin », qu’Il a fait suivre d’une parabole mettant en scène quelqu’un qui avait besoin de pain. Ce qu’Il veut dire dans cette parabole, c’est que nous devrions avoir l’audace d’exposer nos requêtes à Dieu avec hardiesse, et avoir l’assurance qu’Il répondra.

Jésus insiste sur ce point dans les deux versets suivants, quand Il dit :

« Ainsi, moi je vous le dis : Demandez, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. Car celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et l’on ouvre à celui qui frappe. »[5]

Ces deux versets sont suivis de la parabole des bonnes choses données par le Père, laquelle donne davantage d’informations sur la prière. Cette parabole a une structure semblable à celle de l’ami à minuit. Elle commence par une question :

Il y a des pères parmi vous. Lequel d’entre vous donnera un serpent à son fils quand celui-ci lui demande un poisson ? Ou encore, s’il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ?[6]

La réponse sous-entendue est qu’aucun père ne ferait une chose pareille.

Aucun père ne donnerait à son fils un serpent à la place d’un poisson, ni un scorpion au lieu d’un œuf, ou, comme le dit l’Évangile de Matthieu, un caillou à la place d’un pain. C’était l’évidence même pour les auditeurs. Ainsi, Jésus termine la parabole par ces mots :

Si donc, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent.[7]

Là encore, Jésus utilise la technique de l’argument a fortiori. Si un père terrestre, qui est mauvais comparé à la perfection de Dieu le Père, donne à ses enfants de bonnes choses, à plus forte raison Dieu donnera-t-il le merveilleux don du Saint-Esprit à ceux qui le Lui demandent.

Si les enfants qui demandent à leurs parents de leur donner à manger ne reçoivent pas de choses nuisibles, à plus forte raison devons-nous faire confiance à Dieu notre Père, qui est infiniment plus grand que n’importe quel parent terrestre, pour nous donner de bonnes choses en réponse à nos prières – et en particulier pour nous donner sa présence en nous par l’Esprit Saint ?

Le chapitre onze de Luc met en lumière un certain nombre de principes de prière importants : à savoir que nous devons nous présenter devant Dieu avec confiance lorsque nous Lui adressons nos prières, et Lui demander avec audace ce dont nous avons besoin, en ayant la certitude que si nous demandons, nous recevrons, et que si nous frappons, les portes s’ouvriront. Jésus nous dit aussi que si nous pouvons compter sur ceux qui nous aiment et s’occupent de nous—c’est-à-dire nos parents—pour nous donner notre pain quotidien, de la nourriture et d’autres besoins essentiels, alors nous pouvons certainement compter sur Dieu, notre Père céleste, pour en faire de même, et bien plus encore. Nous pouvons Lui adresser nos prières avec confiance et hardiesse, sachant qu’Il prendra bien soin de nous.


L’ami en pleine nuit (Luc 11.5–8 S21)

 

5          Il leur dit encore : —Supposons que l’un de vous ait un ami et qu’il aille le trouver au milieu de la nuit pour lui dire : « Mon ami, prête-moi trois pains,

6          car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi et je n’ai rien à lui offrir. »

7          Supposons que, de l’intérieur de sa maison, cet ami lui réponde : « Ne m’ennuie pas, la porte est déjà fermée, mes enfants et moi sommes au lit, je ne peux pas me lever pour te donner des pains. »

8          Je vous le dis, même s’il ne se lève pas pour les lui donner parce que c’est son ami, il se lèvera à cause de son insistance et lui donnera tout ce dont il a besoin.


Les bonnes choses données par le Père (Luc 11:9–13 BDS)

9          —Ainsi, moi je vous le dis : Demandez, et vous recevrez ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira.

10        Car celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et l’on ouvre à celui qui frappe.

11        Il y a des pères parmi vous. Lequel d’entre vous donnera un serpent à son fils quand celui-ci lui demande un poisson ?

12        Ou encore, s’il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ?

13        Si donc, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent.

Matthieu 7.9–11 BDS

9          Qui de vous donnera un caillou à son fils quand celui-ci lui demande du pain ?

10        Ou bien, s’il lui demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ?

11        Si donc, tout mauvais que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père céleste donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.


Note :

Sauf indication contraire, les passages bibliques cités sont extraits de La Bible Du Semeur Copyright © 1992, 1999 by Biblica, Inc.® Tous droits réservés.



[1] Luc 11.5–8 S21.

[2] Kenneth E. Bailey, Poète et paysan, et À travers le regard d’un paysan, édition combinée (Grand Rapids: William B. Eerdmans, 1985), 123.

[3] Pour une analyse plus poussée, voir l’ouvrage de Kenneth E. Bailey, Poète et paysan, et À travers le regard d’un paysan, édition combinée (Grand Rapids: William B. Eerdmans, 1985), 125–133, et Craig L. Bloomberg, Interprétation de la parabole (Downers Grove: InterVarsity Press, 1990), 275–276.

[4] Klyne Snodgrass, Récits pour instruire (Grand Rapids: William B. Eerdmans, 2008), 441.

[5] Luc 11.9–10.

[6] Luc 11.11–12.

[7] Luc 11.13.