Les histoires racontées par Jésus : Le serviteur fidèle et le serviteur déloyal, Matthieu 24.44–51

 [The Faithful and Unfaithful Servant]

La parabole du serviteur fidèle et du serviteur déloyal est racontée dans deux des évangiles : celui de Matthieu et celui de Luc. Les deux versions sont très similaires et ne présentent que des variations mineures. Nous nous concentrerons ici sur le récit du chapitre 24 de Matthieu.

Le contexte de la parabole : Jésus parlait à ses disciples peu de temps avant son arrestation et sa crucifixion ; ils étaient sur le Mont des Oliviers dans un cadre privé quand ses disciples lui demandèrent :

Quel signe annoncera ta venue et la fin du monde ?[1]

Il entreprend alors de leur parler d’événements futurs, et en particulier de son retour :

Ils verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire.[2]

Puis Il leur raconte la parabole dans le contexte de son retour, que la plupart des commentateurs bibliques appellent la parousie.

Jésus précise à ses disciples que personne ne sait quand aura lieu la parousie:

Quant au jour et à l’heure où cela se produira, personne ne les connaît, ni les anges du ciel, ni même le Fils ; personne, sauf le Père, et lui seul.[3]

Jésus avertit aussi les croyants de se tenir prêts pour ce jour-là :

Pour cette même raison, vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à un moment que vous n’auriez pas imaginé que le Fils de l’homme viendra.[4]

Il leur raconte ensuite une parabole qui insiste sur l’importance de se conduire de manière à être prêts à tout moment pour la parousie. Il oppose deux attitudes contraires, les deux choix qui s’offrent aux croyants.

Il commence la parabole en disant :

Quel est le serviteur fidèle et sensé à qui le maître a confié le soin de veiller sur l’ensemble de son personnel pour qu’il distribue à chacun sa nourriture au moment voulu ? Heureux ce serviteur que le maître, à son retour, trouvera en train d’agir comme il le lui a demandé ! Vraiment, je vous l’assure, son maître lui confiera l’administration de tout ce qu’il possède.[5]

Nous lisons ici l’histoire d’un serviteur[6] auquel son maître a confié la responsabilité de s’occuper de sa maison pendant son absence. Il lui a donné l’autorité sur le reste du personnel de la maison et la responsabilité d’administrer la maison de façon appropriée. Apparemment, il s’agit d’une maisonnée composée de nombreux domestiques, et on a confié à cet homme une grande responsabilité. Ce serviteur ne se fixe pas sur le moment où le maître reviendra, car cela n’affecte en aucune manière la façon dont il accomplit son travail ; il s’acquitte simplement de ses tâches fidèlement. Un tel homme sera chaudement félicité au retour du maître. Non seulement il sera couvert d’éloges, mais il sera promu au poste d’intendant, avec la responsabilité de gérer tous les biens du maître.

Après nous avoir présenté le scénario possible d’un serviteur qui agit honorablement dans l’exercice de ses fonctions, on nous raconte ensuite ce qui pourrait arriver si le serviteur faisait un choix différent, et les conséquences qui en découleraient.

Mais si c'est un mauvais serviteur, qui se dit en lui-même : ‘Mon maître tarde à venir’, s'il se met à battre ses compagnons, s'il mange et boit avec les ivrognes, le maître de ce serviteur viendra le jour où il ne s'y attend pas et à l'heure qu'il ne connaît pas. Il le punira sévèrement et lui fera partager le sort des hypocrites : c'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents. [7] Ou comme le traduit cette autre version, Il le coupera en deux et lui donnera sa part avec les hypocrites : là seront les pleurs et les grincements de dents.[8]

Dans ce passage, nous voyons le serviteur en grande discussion avec lui-même, ce qui est courant dans les paraboles de l’Évangile de Luc[9], mais qui dans ce cas ne se trouve que dans l’Évangile de Matthieu. Le maître est absent et, pour une raison que nous ignorons, Il ne reviendra pas à la date prévue initialement, de sorte que le serviteur pense qu’il peut agir en toute impunité. Dans son esprit, le fait qu’on lui ait confié la responsabilité de veiller sur le personnel signifie qu’il n’a aucun compte à rendre et qu’il n’y aura aucune conséquence pour ses actes. Il agit comme si le maître ne reviendra jamais et qu’il n’aura pas à rendre compte de ses actes. Il commence à mal agir. Son autorité temporaire lui monte à la tête et il se met à battre cruellement les autres serviteurs. Le serviteur a perdu toute dignité et le sens de ce qui constitue un comportement approprié ; de plus, il s’est aliéné ses compagnons de service, comme l’indique le fait qu’il mange et boive avec des ivrognes.

Puis nous apprenons que le maître revient—sans avertir—et que le serviteur n’y est pas du tout préparé. D’une certaine manière, ce serviteur a perdu de vue le fait que, même si le maître s’est absenté plus longtemps que prévu, cela ne voulait pas dire qu’il ne reviendrait jamais. Il se trouve que le maître est rentré, et nous apprenons qu’en raison des actes répréhensibles du serviteur, de sa mauvaise gestion, de sa dureté et de sa méchanceté envers les autres, il est jugé et condamné.

Etre « coupé en deux » constitue indubitablement un châtiment très sévère. Certains commentateurs pensent que cela signifie être « séparé du peuple », en référence à la communion avec la communauté des croyants, et par conséquent  d’être avec « les hypocrites ». D’autres considèrent qu’on peut interpréter cette expression métaphoriquement, de sorte que cela voudrait dire que la personne sera « écorchée vive » ou une expression similaire. D’autres encore pensent que cela signifie simplement qu’il sera puni sévèrement. Le mot grec traduit ici par coupé en deux, apparait seulement dans la Bible pour signifier le démembrement des animaux destinés aux sacrifices. Dans un passage du livre de Jérémie, on nous dit que Dieu emploie l’expression « coupé en deux » pour parler de la punition infligée aux habitants d’Israël :

Mais ces gens ont violé l’accord qu’ils avaient conclu devant moi, ils n’ont pas tenu leurs promesses. Je les traiterai donc comme le veau qu’ils ont partagé.[10]

De l’avis de nombreux commentateurs, il semble que le terme ne soit pas une métaphore, mais qu’il faille prendre cette expression au sens littéral d’une punition brutale, dont le but est de choquer les auditeurs pour qu’ils prennent les bonnes décisions.

La phrase lui fera partager le sort des hypocrites dans l’Évangile de Matthieu est rendue en Luc par lui fera partager le sort des infidèles. [11] Il est possible que Matthieu ait fait référence aux « hypocrites » puisque tout au long de cet évangile, et en particulier au chapitre 23, les hypocrites sont sévèrement condamnés. Dans ce contexte, le mot hypocrites devrait probablement être pris comme un terme général pour désigner ceux qui décident de s’opposer à Dieu. Le terme les pleurs et les grincements de dents exprime un profond chagrin et d’amers regrets. Cette phrase apparait sept fois dans le Nouveau Testament, à chaque fois, sauf une fois, dans l’évangile de Matthieu, et dans tous les cas en référence à ceux qui ont rejeté Dieu et sont exclus de ses bénédictions au temps de la fin.

Il y a deux points de vue divergents sur le sens de cette parabole, ou du moins des divergences concernant les personnes auxquelles elle s’adressait. Un de ces points de vue est que la parabole parlait de ceux qui auraient des positions de responsabilité au sein de l'église, étant donné qu’elle était adressée aux disciples, lesquels devinrent par la suite les dirigeants de l’église primitive. Voici l’explication qu’en donne un auteur :

En présentant un esclave responsable d’autres esclaves au sein d’une maisonnée, et en soulignant la nécessité de bien s’occuper des autres pendant l’absence du maître, la parabole signifie que les dirigeants de l’église doivent s’occuper convenablement de la communauté chrétienne entre l'ascension de Jésus-Christ et sa parousie. Ainsi, prendre soin convenablement des autres—distribuer à chacun de sa nourriture—consistera en un ministère de proclamation et d’enseignement.[12]

Le serviteur qui adopte une méthode de leadership cruelle représente le dirigeant de l’église qui est égoïste et ne pense qu’à lui. Les paroles prophétisées par le prophète Ezéchiel donnent une description claire de ce type de dirigeants :

Malheur aux bergers d’Israël qui ne s’occupent que d’eux-mêmes. N’est-ce pas le troupeau que les bergers doivent faire paître ? Vous vous êtes nourris de sa graisse et habillés de sa laine, vous avez abattu les bêtes grasses, mais vous ne faites pas paître le troupeau. Vous n’avez pas aidé les brebis chétives à retrouver des forces. Vous n’avez pas soigné celle qui était malade, vous n’avez pas bandé celle qui avait une patte cassée, vous n’avez pas ramené celle qui s’était écartée, vous n’avez pas cherché celle qui était perdue ; non, vous leur avez imposé votre autorité par la violence et la tyrannie.[13]

Le deuxième point de vue est que la parabole s’adresse aux chrétiens en général, et qu’elle ne concerne pas spécifiquement ceux qui occupent des postes de responsabilité. La parabole présente deux manières diamétralement opposées de vivre sa foi. Une des options est d’être comme le premier serviteur qui accomplit fidèlement et consciencieusement son travail, jour après jour : peu importe à quel moment son maître reviendra, il a toujours fait ce qu’on attendait de lui. Quand le maître reviendra, il sera prêt.

L’autre option est de faire comme le méchant serviteur. Il ne se souciait guère du fait que le maître reviendrait, et se comportait comme si cela allait se produire tellement loin dans le futur qu’il n’avait aucune raison de s’inquiéter. Le hic c’est que le maître est revenu, et qu’il y a eu un jugement et une condamnation.

Bien qu’en apparence cette parabole parle de deux serviteurs différents—l’un qui fait le bon choix et l’autre qui ne le fait pas— il s’agit en fait d’un seul et même serviteur qui a le choix entre ces deux options. Autrement dit, chaque croyant est placé devant un choix. Serons-nous fidèles au Seigneur ? Vivrons-nous selon ses enseignements ? Serons-nous prêts quand Il reviendra ou au moment de notre mort ? Ou bien, notre attitude sera-t-elle celle du serviteur qui vécut comme s’il n’avait aucun compte à rendre, et qui découvrit trop tard qu’il s’était trompé, et que tout le monde a des comptes à rendre ?[14] Il est clair que le bon choix est la première option – celle de fonder notre vie sur les enseignements de Jésus, d’avoir une relation saine avec Dieu, de L’aimer et d’aimer les autres. En vivant de cette façon, nous serons bénis non seulement dans le présent, mais pour l’éternité.

Le serviteur fidèle et le serviteur déloyal, Matthieu 24.44–51

44 Pour cette même raison, vous aussi, tenez-vous prêts, car c’est à un moment que vous n’auriez pas imaginé que le Fils de l’homme viendra.

45 —Quel est le serviteur fidèle et sensé à qui le maître a confié le soin de veiller sur l’ensemble de son personnel pour qu’il distribue à chacun sa nourriture au moment voulu ?

46 Heureux ce serviteur que le maître, à son retour, trouvera en train d’agir comme il le lui a demandé !

47 Vraiment, je vous l’assure, son maître lui confiera l’administration de tout ce qu’il possède.

48 Mais si c’est un mauvais serviteur, qui se dit : « Mon maître n’est pas près de rentrer »,

49 et se met à maltraiter ses compagnons de service, à manger et à boire avec les ivrognes,

50 son maître arrivera un jour où il ne s’y attendra pas et à un moment qu’il ne connaît pas.

51 Alors le maître le punira très sévèrement, et le traitera comme on traite les hypocrites. C’est là qu’il y aura des pleurs et d’amers regrets.

NB:

Sauf indication contraire, les passages bibliques cités sont extraits de la Sainte Bible, version du Semeur, copyright ©2000 par la Société Biblique Internationale. Les autres versions citées sont la Segond 21 et la Darby. Tous droits réservés. Avec permission.