Les histoires racontées par Jésus : les méchants vignerons, Luc 20.9–19

mai 20, 2022

par Peter Amsterdam

Note : Alors que je passais en revue la série Les histoires racontées par Jésus, j’ai vu qu’il y avait une parabole que je n’avais pas encore abordée, c’est pour cela qu’elle est traitée dans cet article.

La parabole des méchants vignerons figure dans les trois évangiles synoptiques.[1] Dans cet article, nous commenterons le récit de l’Évangile de Luc, en y ajoutant quelques éléments tirés des Évangiles de Matthieu et de Marc. Dans l’Évangile de Luc, cette parabole figure au chapitre 20, entre l’épisode où les chefs des prêtres, les scribes et les anciens contestent l’autorité de Jésus et celui où ils L’interpellent pour Lui demander s’il est permis aux juifs de payer l’impôt à César.[2]

Il s’adressa ensuite au peuple et se mit à raconter cette parabole : « Un homme planta une vigne ; il la loua à des vignerons et partit en voyage pour un temps assez long. Au moment des vendanges, il envoya un serviteur auprès des vignerons afin qu’ils lui remettent une partie du produit de la vigne, mais les vignerons le rouèrent de coups et le renvoyèrent les mains vides. »[3]

Les vignes et les vignobles étaient assez répandus en Israël à l’époque de Jésus, comme c’est toujours le cas dans cette partie du monde. Presque tous les propriétaires terriens possédaient des vignes. Toutefois, dans cette parabole, Jésus parlait d’une vigne plus importante appartenant à un propriétaire pendant l’absence duquel des vignerons travaillaient sur la propriété. L’Évangile de Matthieu donne quelques précisions supplémentaires sur cette vigne. Le propriétaire du champ ne se contenta pas d’y planter une vigne : il l’entoura d’une haie, y creusa un trou pour le pressoir et y construisit une tour pour la surveiller.[4] Cela laisse à penser que le propriétaire avait investi une somme d’argent considérable dans son vignoble et qu’il espérait en obtenir un bon retour sur investissement. Il s’écoule plusieurs années avant que les vignobles nouvellement plantés commencent à porter du fruit, donc c’était peut-être la première année qu’on le vendangeait. Cependant, au lieu de donner au propriétaire ce qui lui revenait de droit, les vignerons rouèrent de coups le serviteur envoyé pour encaisser ce qui lui était dû. Après l’avoir battu, ils le renvoyèrent les mains vides.

« Le propriétaire leur envoya un autre serviteur. Celui-là aussi, ils le renvoyèrent les mains vides, après l’avoir roué de coups et couvert d’insultes. Le maître persévéra et leur en envoya un troisième. Celui-là aussi, ils le chassèrent, après l’avoir grièvement blessé. »[5]

La deuxième fois que le propriétaire envoya son représentant encaisser ce qui lui était dû, ils rouèrent le serviteur de coups et le traitèrent de manière honteuse. Le mot grec traduit par couvrir d’insultes signifie qu’ils l’outragèrent et le traitèrent avec mépris. A la troisième tentative pour récupérer ce qui lui revenait de droit, le propriétaire de la vigne envoya un autre serviteur qui fut grièvement blessé, sans doute parce que les vignerons l’avaient battu comme les serviteurs précédents. Dans les Évangiles de Marc[6] et de Matthieu[7], on nous dit que les vignerons battirent, lapidèrent et même tuèrent certains des serviteurs envoyés par le propriétaire du vignoble.

« Le propriétaire du vignoble se dit alors : Que faire ? Je leur enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être auront-ils du respect pour lui. Mais quand les vignerons l’aperçurent, ils raisonnèrent ainsi entre eux : « Voilà l’héritier ! Tuons-le, afin que l’héritage nous revienne ! » Alors ils le traînèrent hors du vignoble et le tuèrent. »[8]

Voyant que cela n’avait servi à rien d’envoyer ses serviteurs, le propriétaire envoya son fils qui avait beaucoup plus d’autorité que ses serviteurs. Il espérait que les locataires respecteraient l’autorité de son fils, mais il se trompait. Les vignerons virent l’occasion d’éliminer l’héritier afin de s’approprier le vignoble. Ils avaient peut-être pensé que le propriétaire était mort et que c’était son fils qui était désormais le propriétaire du vignoble. Si tel était le cas, en l’éliminant, le vignoble n’aurait plus de propriétaire, et ils pourraient éventuellement en prendre possession. Quel que fut leur raisonnement, ils traînèrent le fils hors du vignoble et le tuèrent.

Puis Jésus interprète la parabole en leur posant une question à laquelle Il répond Lui-même.

« Comment le propriétaire de la vigne agira-t-il envers eux ? Il viendra lui-même, fera exécuter ces vignerons et confiera le soin de sa vigne à d’autres. —Pas question ! s’écrièrent les auditeurs de Jésus en entendant cela. »[9]

La probabilité que ces vignerons puissent prendre possession de la vigne après avoir tué le fils était nulle. Le propriétaire de la vigne, le père du fils assassiné, aurait fait tuer ceux qui avaient tué son fils. La version de l’Évangile de Matthieu est encore plus explicite : « Il fera exécuter sans pitié ces misérables, puis il confiera le soin de sa vigne à d’autres vignerons qui lui donneront sa part de récolte en temps voulu. »[10]

Ceux qui écoutaient Jésus furent choqués par son interprétation de la parabole et par le fait que cela impliquait un jugement sévère des dirigeants juifs et par la conclusion que la vigne serait donnée à d’autres, c’est-à-dire aux non-juifs. Or, ce que Jésus décrivait survint effectivement en 70 après J.-C., lorsque les Romains détruisirent la ville de Jérusalem et le temple juif, puis déportèrent le peuple d’Israël.

Jésus conclut en citant le Psaume 118 et Ésaïe 8.

Mais lui, fixant le regard sur eux, leur dit : « Que signifie donc ce texte de l’Écriture : La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la pierre principale, à l’angle de l’édifice. Celui qui tombera contre cette pierre-là se brisera la nuque, et si elle tombe sur quelqu’un, elle l’écrasera. »[11]

La pierre angulaire, mentionnée en Psaume 118.22, est une pierre utilisée en construction pour supporter le poids et la tension des murs s’appuyant sur elle. Sans la pierre angulaire, les murs, et donc tout l’édifice, s’effondreraient. Jésus est la pierre angulaire, le fondement de l’édifice de Dieu, c’est-à-dire de l’Église, le corps des croyants.

Jésus cite ensuite Ésaïe 8.14-15 qui fait allusion à ceux pour qui l’Évangile, étant une occasion de scandale, rejettent la pierre et subissent un jugement sévère. La première partie parle des chefs juifs qui trébucheront sur la pierre et seront brisés, ce qui signifie qu’ils connaîtront un sort funeste. La même idée est ensuite répétée, avec l’image de la pierre qui tombe sur ces chefs et les écrase.

La parabole de Jésus renvoie à ce qui est écrit dans un autre passage du livre d’Ésaïe.

Je veux chanter à mon ami le cantique de mon bien-aimé sur sa vigne. Mon bien-aimé avait une vigne sur un coteau fertile. Il a remué son sol, enlevé les pierres et y a mis des plants de premier choix. Il a construit une tour au milieu d’elle et y a installé aussi un pressoir. Puis il a espéré qu’elle produirait de bons raisins, mais elle en a produit de mauvais. Et maintenant, habitants de Jérusalem et de Juda, je vous en prie, soyez juges entre ma vigne et moi !  Qu’y avait-il encore à faire à ma vigne que je n’aie pas fait pour elle ? Pourquoi, quand j’ai espéré qu’elle produirait de bons raisins, en a-t-elle produit de mauvais ? Je vais vous faire savoir maintenant ce que je vais faire à ma vigne : j’arracherai sa haie pour qu’elle soit dévorée, j’abattrai sa clôture pour qu’elle soit piétinée. Je ferai d’elle un endroit saccagé : elle ne sera plus taillée ni cultivée, les ronces et les buissons épineux y pousseront et je donnerai mes ordres aux nuages afin qu’ils ne laissent plus tomber la pluie sur elle. Oui, la vigne de l’Éternel, le maître de l’univers, c’est la communauté d’Israël, et Juda, c’est le plant qui faisait son plaisir. Il avait espéré de la droiture et voici de l’injustice, de la justice et voici des cris d’accusation ![12]

Dans la parabole des méchants vignerons Jésus raconte l’histoire d’Israël. Dieu avait envoyé des prophètes pour guider son peuple et l’avertir, mais son peuple les rejeta les uns après les autres. Il envoya alors son propre Fils au peuple d’Israël, et Jésus les appela patiemment à Le suivre et à porter du fruit. Hélas, le peuple qui avait constamment rejeté les prophètes refusa aussi de recevoir le Fils de Dieu et de croire en Lui. En racontant cette parabole, Jésus prédisait que sa propre mort serait le comble de leur rejet.

Bien entendu, il est important de reconnaître que tout le peuple d’Israël n’a pas rejeté Jésus. Lui-même et ses premiers disciples étaient tous juifs. L’apôtre Paul, qui joua un rôle majeur dans la diffusion du christianisme au monde occidental, était également juif. Paul a souvent souligné que, s’agissant du salut, la nationalité d’une personne n’a aucune espèce d’importance ; ce qui compte, c’est de croire, c’est de devenir une nouvelle personne.

Peu importe d’être circoncis ou non. Ce qui compte, c’est d’être une nouvelle créature. Que la paix et la grâce de Dieu soient accordées à tous ceux qui suivent cette règle de vie, ainsi qu’à l’Israël de Dieu.[13]


Les méchants vignerons, Luc 20.9–19

9 Il s’adressa ensuite au peuple et se mit à raconter cette parabole : —Un homme planta une vigne ; il la loua à des vignerons et partit en voyage pour un temps assez long.

10 Au moment des vendanges, il envoya un serviteur auprès des vignerons afin qu’ils lui remettent une partie du produit de la vigne, mais les vignerons le rouèrent de coups et le renvoyèrent les mains vides.

11 Le propriétaire leur envoya un autre serviteur. Celui-là aussi, ils le renvoyèrent les mains vides, après l’avoir roué de coups et couvert d’insultes.

12 Le maître persévéra et leur en envoya un troisième. Celui-là aussi, ils le chassèrent, après l’avoir grièvement blessé.

13 Le propriétaire du vignoble se dit alors : Que faire ? Je leur enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être auront-ils du respect pour lui.

14 Mais quand les vignerons l’aperçurent, ils raisonnèrent ainsi entre eux : « Voilà l’héritier ! Tuons-le, afin que l’héritage nous revienne ! »

 

15 Alors ils le traînèrent hors du vignoble et le tuèrent. Comment le propriétaire de la vigne agira-t-il envers eux ?

 

16 Il viendra lui-même, fera exécuter ces vignerons et confiera le soin de sa vigne à d’autres. —Pas question ! s’écrièrent les auditeurs de Jésus en entendant cela.

 

17 Mais lui, fixant le regard sur eux, leur dit : —Que signifie donc ce texte de l’Écriture : La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la pierre principale, à l’angle de l’édifice.

 

18 Celui qui tombera contre cette pierre-là se brisera la nuque, et si elle tombe sur quelqu’un, elle l’écrasera ?

 

19 Les spécialistes de la Loi et les chefs des prêtres cherchèrent à mettre immédiatement la main sur Jésus, mais ils eurent peur des réactions du peuple. En effet, ils avaient bien compris que c’était eux que Jésus visait par cette parabole.


Note :

Sauf indication contraire, les passages bibliques cités sont extraits de la Sainte Bible, version du Semeur, copyright ©2000 par Société Biblique Internationale. Tous droits réservés. Avec permission. L’autre version citée est la Segond 21 (S21).



[1] Matthieu 21.33–46, Marc 12.1–11, et Luc 20.9–19.

[2] Cf. « Jésus—Sa vie et son message. La question de l’autorité. »

[3] Luc 20.9–10.

[4] Matthieu 21.33.

[5] Luc 20.11–12.

[6] Marc 12.5.

[7] Matthieu 21.35.

[8] Luc 20.13–15.

[9] Luc 20.15–16.

[10] Matthieu 21.41.

[11] Luc 20.17–18.

[12] Esaïe 5.1–7 S21.

[13] Galates 6.15–16.