Christianisme vivant : les Dix Commandements (La protection de la vie humaine, 4e partie)

février 22, 2025

par Peter Amsterdam

[The Ten Commandments (Safeguarding Human life, Part 4—Euthanasia]

L’euthanasie

(Les principaux points de cet article proviennent de Christian Ethics, de Wayne Grudem.[1])

Aucun d’entre nous ne sait quand la mort surviendra. En tant que chrétiens, nous croyons que le moment de notre mort est entre les mains de Dieu.[2] Je pense que beaucoup d’entre nous aspirent à vivre longtemps et à être heureux ; et lorsque nous parviendrons à un âge avancé, nous voudrions quitter ce monde dans la sérénité, entourés des êtres qui nous sont chers pour pouvoir leur exprimer notre amour et faire nos adieux. Évidemment, beaucoup de décès ne se passent pas de cette façon et au fur et à mesure que les gens avancent en âge et que le moment de leur mort approche, ils éprouvent souvent des douleurs et des difficultés de différente intensité.

Dans certains pays (principalement occidentaux), la loi autorise désormais les personnes souffrant de douleurs insupportables causées par une maladie incurable de mettre fin à leurs jours par des moyens médicaux pour abréger leurs souffrances. On appelle cette pratique l’euthanasie. Le mot euthanasie vient du grec eu qui signifie bon ou bien et de thanatos qui signifie la mort ; le mot euthanasie signifie donc « bonne ou belle mort ». La question de l’euthanasie est généralement soulevée dans le cas de personnes atteintes de maladies incurables, souffrant de douleurs chroniques et ayant perdu toute envie de vivre. Ce sujet est également abordé lorsque des personnes ont perdu une grande partie de leurs facultés mentales en raison d’une démence ou qui sont dans un état de coma permanent. Dans ces cas-là, est-il moralement justifié de mettre fin à la vie de quelqu’un qui le demande ? Ou si la personne est dans l’incapacité de faire cette demande, est-il légitime que les proches ou le médecin prennent des décisions qui entraineraient la mort ?

L’une des questions fondamentales dans le débat sur la légitimité morale de l’euthanasie est la suivante : quelle est la valeur de la vie humaine ? D’un point de vue chrétien, la vie est un don de Dieu. La vie humaine a une dignité et une valeur intrinsèques du fait qu’elle a été créée par Dieu à son image.[3] À ce titre, la vie humaine a une valeur inestimable. Les personnes âgées, les infirmes, celles atteintes de handicaps mentaux ou physiques, ainsi que celles qui sont dans un état végétatif permanent ou proches de la mort, ont toutes la même valeur que n’importe quel autre être humain. Tous les êtres humains ont une valeur intrinsèque et, donc, le christianisme rejette l’idée qu’il serait moralement acceptable d’euthanasier quelqu’un. La Bible dit clairement : « Tu ne commettras pas de meurtre »[4], ce qui interdit d’abréger une vie pour mettre fin à la souffrance.

Certains affirment que les droits d’un individu sont primordiaux, et qu’une personne a donc le droit de mettre fin à ses jours (ou qu’une personne habilitée peut prendre cette décision à sa place si la personne est dans un état de coma permanent et n’a pas laissé de directives anticipées claires[5]), si elle est infirme, en proie à des douleurs extrêmes ou ne peut avoir une qualité de vie adéquate.

Voici certains des arguments avancés par ceux qui estiment que l’euthanasie est un acte légitime :

Une personne a moralement le droit de mourir dans la dignité. Chacun devrait avoir la possibilité de choisir de mourir dans la dignité. Une mort lente et douloureuse n’est pas digne, donc les gens devraient avoir le droit de recourir à l’euthanasie.

Il vaut mieux ne pas vivre que de vivre dans la souffrance. Comme la souffrance peut considérablement altérer la qualité de vie, il est préférable de pouvoir mettre fin à ses jours que de vivre avec cette souffrance.

C’est un acte de compassion envers la personne qui souffre. Lorsqu’une personne est plongée dans un état végétatif permanent et qu’elle souffre, c’est faire preuve de compassion que de mettre fin à ses souffrances. 

C’est un acte de compassion envers la famille qui souffre, elle aussi. La personne malade n’est pas la seule à souffrir. Les membres de la famille souffrent souvent socialement et psychologiquement.

Cela soulage la famille d’un poids financier important. Une maladie grave peut représenter un lourd fardeau financier ayant des répercussions importantes sur les finances de la famille.

Cela soulage la société d’un lourd fardeau. Les dépenses de santé liées aux soins des personnes âgées représentent un lourd fardeau pour la société.

Dans plusieurs pays européens et certains états des États-Unis, l’euthanasie est une pratique légale. Du fait que c’est légal, on pense que c’est moralement acceptable.

D’un point de vue chrétien, cette question est traitée d’une manière tout à fait différente :

Personne n’a le droit moral de mettre fin à ses jours ou à ceux de quelqu’un d’autre en raison d’une maladie grave. Le sixième commandement stipule : « Tu ne commettras pas de meurtre.[6] » Les Écritures enseignent que c’est Dieu qui décide du moment de la mort de chacun.

« C’est moi qui fais mourir et moi seul qui fais vivre, … et de ma main, nul ne peut délivrer.[7] »

Quand Job apprit que ses enfants étaient morts, il dit :

« C’est nu que je suis sorti du ventre de ma mère, et c’est nu que je repartirai. L’Éternel a donné et l’Éternel a repris. Que le nom de l’Éternel soit béni ! »[8]

Ce n’est pas un acte de compassion. Tuer ceux qui souffrent ne met pas fin à la misère humaine ; cela inflige le malheur de la mort. Ce n’est ni bon ni honorable d’ôter la vie à une personne qui souffre ; la Bible nous dit que c’est mal.

La souffrance peut nous enseigner beaucoup de choses. L’apôtre Paul a écrit :

« Mieux encore ! Nous tirons fierté même de nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, la persévérance conduit à la victoire dans l’épreuve, et la victoire dans l’épreuve nourrit l’espérance.[9] »

Dans l’épitre de Jacques, nous lisons :

« Mes frères, considérez-vous comme très heureux quand vous avez à passer par toutes sortes d’épreuves ; car, vous le savez, si votre foi résiste à l’épreuve, celle-ci produit la persévérance. Mais veillez à ce que votre persévérance se manifeste pleinement, afin que vous soyez parfaits, sans défaut, qu’il ne vous manque rien.[10] »

La vie humaine a une valeur inestimable. Aucune valeur matérielle ne peut être attribuée à la valeur spirituelle d’une vie créée à l’image de Dieu. Jésus a dit  :

« Et que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ?[11] »

Il a également souligné l’importance de la valeur de la vie humaine lorsqu’Il a dit :

« Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment pas et ne moissonnent pas, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ?[12] »

L’idée selon laquelle une personne qui a besoin de soins médicaux constants devrait mettre fin à ses jours pour ne pas être un fardeau financier pour autrui ou pour l’État est contraire à la vision divine qui reconnaît la valeur intrinsèque de chaque être humain.

Même si l’euthanasie est légale dans certains pays, cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit moralement acceptable. Les lois d’un pays ne sont pas toujours conformes aux les lois divines. Nous qui sommes chrétiens devons faire en sorte que nos choix et nos décisions soient conformes aux préceptes de la Bible. Par conséquent, l’euthanasie n’est pas une option moralement envisageable ou acceptable pour un chrétien.

Il est essentiel de faire la distinction entre l’action visant à précipiter ou provoquer la mort d’une personne malade (l’euthanasie), et permettre à une personne de s’éteindre naturellement en raison de sa maladie sans intervenir dans ce processus. Alors qu’il serait tout à fait immoral de priver une personne gravement malade des moyens ordinaires de survie, tels que la nourriture ou l’eau (même administrés par sonde), il ne serait pas forcément immoral de débrancher des dispositifs de survie artificiels, comme un respirateur ou un système mécanique de maintien en vie qui permettent au cœur de continuer à fonctionner mais ne permettent pas à la personne de guérir de sa maladie et ne font, au contraire, que prolonger son agonie. Lorsque ces appareils (de réanimation et de maintien en vie) entravent le processus naturel de la mort, il n’y a pas d’obligation morale à continuer à les utiliser. Si une personne dans le coma est en train de mourir de façon irréversible, il n’y a donc aucun obstacle moral à laisser le processus de la mort suivre son cours naturel. Si une personne a signé une directive anticipée de « non-réanimation » (DNR), il est impératif de la respecter.

Lorsqu’une personne souffre intensément et se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté concernant les traitements médicamenteux, il est moralement justifié de lui administrer des médicaments puissants pour soulager ou atténuer la douleur. C’est d’ailleurs ce que recommande le livre des Proverbes : Que l’on donne plutôt les boissons enivrantes à celui qui va périr, et du vin à qui a le cœur malheureux.[13] Un patient en phase terminale doit pouvoir recevoir des médicaments pour atténuer et soulager la douleur. Des substances telles que la morphine et les médicaments opioïdes aident à atténuer la douleur intense des patients en phase terminale. Toutefois, il arrive que ces médicaments hâtent également la mort. Dans de tels cas, est-il moralement acceptable de les administrer ? Dans certains cas, c’est moralement acceptable étant donné que la raison pour laquelle on administre ce médicament est de soulager une douleur intense et non de provoquer la mort du patient.

Un auteur l’explique en ces termes :

Dans ces cas-là, on peut invoquer le principe du double effet. Quand une action entraîne deux effets opposés, l’un bon, l’autre mauvais, nous avons la responsabilité morale de choisir l’effet positif. L’effet négatif est simplement concomitant (un fait qui se produit ou se présente en même temps qu’un autre fait considéré comme principal, ou qui lui succède immédiatement) à la bonne action qui est mise en œuvre ; cela n’entraîne aucune culpabilité morale. Par exemple, lorsque l’on doit procéder à l’amputation d’une jambe touchée par la gangrène, cela a deux conséquences. En premier lieu, on sauve la vie de la personne amputée. En second lieu, son corps sera mutilé et il sera handicapé physiquement. Toutefois, cette conséquence néfaste de l’amputation est compensée par le fait que cela lui a sauvé la vie. De même, il arrive que la douleur soit si intense que le traitement requis pour y remédier provoque ou précipite la mort. Il arrive que des patients meurent à la suite d’une intervention chirurgicale, mais les avantages potentiels l’emportent sur les risques encourus.[14]

Les auteurs d’un autre livre traitant d’éthique écrivent :

Voici ce que nous recommandons dans le cas d’une personne qui souffre énormément à cause d’une maladie incurable : Faites tout ce qui est moralement acceptable pour soulager sa douleur et n’obligez pas le patient à suivre des traitements ou à prendre des médicaments qui ont déjà prouvé leur inefficacité ou qui ne présentent aucun avantage prévisible. Toutefois, en raison du commandement interdisant d’ôter la vie d’un innocent, vous ne devez ni causer la mort du patient, ni l’aider à se suicider. Si les antidouleurs risquent de hâter la mort du patient, mais que leur objectif est d’atténuer la douleur, il est moralement acceptable d’administrer le médicament antalgique. Dans ce cas, le principe de l’effet double s’applique.[15]

Même si la mort fait partie intégrante de la vie, c’est à dieu qu’il incombe de décider du moment où elle survient. Son commandement « Tu ne commettras pas de meurtre » inclut à la fois le meurtre d’autrui mais aussi le fait de mettre fin à ses jours par suicide ou par euthanasie. Il arrive que la vie soit particulièrement éprouvante et qu’il semble que la meilleure solution pour se soustraire aux difficultés et aux souffrances de la vie soit de mettre fin à ses jours ; néanmoins, l’amour, la grâce et la force de Dieu nous accompagnent en permanence.

Dieu est fidèle et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. Au moment de la tentation, il préparera le moyen d’en sortir pour que vous puissiez y résister.[16]


Note :

Sauf indication contraire, tous les passages bibliques cités sont extraits de la Bible du Semeur, copyright © 1992, 1999 by Biblica, Inc.® Les autres versions citées sont la Segond 21 (SG21) et La Bible en Français Courant (BFC). Avec permission.



[1] Wayne Grudem, Christian Ethics [Éthique chrétienne] (Wheaton: Crossway, 2018).

[2] Psaumes 31.15.

[3] Voir « Créés à l’image et la ressemblance de Dieu », 1ere et 2e parties : https://library.tfionline.com/?viewId=60275&treeId=21897

[4] Exode 20.13.

[5] Pour des informations sur les directives de fin de vie, veuillez consulter : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32010 et https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R44952

[6] Exode 20.13.

[7] Deutéronome 32.39.

[8] Job 1.21 SG21.

[9] Romains 5.3–4.

[10] Jacques 1.2–4 BFC.

[11] Marc 8.36 SG21.

[12] Matthieu 6.26 SG21 .

[13] Proverbes 31.6.

[14] Norman L. Geisler, Christian Ethics, Contemporary Issues & Options [Éthique chrétienne, problèmes contemporains et options](Grand Rapids: Baker Academic, 2010), 177–78.

[15] John S. Feinberg and Paul D. Feinberg, Ethics for a Brave New World [Éthique pour un monde audacieux et nouveau.](Wheaton: Crossway, 2010), 224.

[16] 1 Corinthiens 10.13.