Christianisme vivant : Les Dix Commandements (L’autorité, 2ème partie)
avril 23, 2024
par span> Peter Amsterdam
Christianisme vivant : Les Dix Commandements (L’autorité, 2ème partie)
[The Ten Commandments (Authority, Part 2)]
Peter Amsterdam
L’autorité gouvernementale
(Les éléments de cet article sont tirés de l’ouvrage de Wayne Grudem Éthique chrétienne,[1] )
Nous avons vu dans l’article précédent[2] que les croyants sont tenus d’honorer leur père et leur mère. Quel que soit notre âge, que nous soyons un enfant ou un adulte, nous sommes tenus d’honorer et de respecter nos parents. La manière dont nous manifestons ce respect et dont nous les honorons change à chaque étape de la vie, mais il devrait toujours être présent sous la forme qui convient.
En plus de nous enjoindre d’honorer nos parents, le cinquième commandement s’applique à une autre autorité que nous sommes tenus d’honorer et à laquelle nous devons obéir ; il s’agit du gouvernement civil, que l’on appelle aussi l’état.
Le gouvernement d’un état a évolué au fil du temps à partir du gouvernement de la famille. Dans la première partie de l’Ancien Testament, le noyau familial était le fondement de l’autorité—le mari exerçant son autorité sur sa femme et les parents sur leurs enfants. À l’époque des familles élargies des patriarches, l’autorité était entre les mains des hommes les plus âgés, les patriarches. Par exemple, Abraham veillait sur la famille de son neveu Lot, en même temps que sur la sienne.
Lorsque Jacob (appelé par la suite Israël) partit s’installer avec sa famille en Égypte, celle-ci s’agrandit et prospéra, et devint finalement trop nombreuse pour rester sous l’autorité d’un seul patriarche. À cette époque, les fils des enfants de Jacob devinrent des chefs de clans.[3] Après que Dieu eut délivré les enfants d’Israël de leur esclavage en Égypte, Moïse établit sur les conseils de son beau-père Jethro des chefs de « milliers », des chefs de « centaines », des chefs de « cinquantaines » et des chefs de « dizaines ». En tant que chef de toute la nation, Moïse donna à d’autres personnes l’autorité de l’aider à résoudre les problèmes et de rendre des jugements à des degrés divers. Sans être un gouvernement officiel, il s’agissait d’une forme de gouvernement, d’une structure permettant de résoudre les problèmes qui pouvaient surgir parmi le peuple.
Beaucoup plus tôt dans les Écritures, nous trouvons un fondement de gouvernement civil, au moins dans le sens d’infliger une punition pour le crime odieux qu’est le meurtre. Lorsque Noé et sa famille sortirent de l’arche après le déluge, Dieu déclara que le meurtre serait puni de mort.
Quant à votre sang à vous — celui qui est votre vie — j’en demanderai compte à quiconque le répandra, que ce soit un animal ou un homme. Je demanderai compte à chaque homme de la vie de son semblable. Dieu a fait l’homme pour être son image : c’est pourquoi si quelqu’un répand le sang d’un homme, son sang à lui doit être répandu par l’homme.[4]
Bien qu’il n’y eût pas de gouvernement à cette époque dans les Écritures, le concept d’êtres humains exécutant le châtiment ultime (la mort) en rétribution du crime ultime (le meurtre) était instauré. Cela posait les bases du concept de châtiment pour les crimes en général. (Plus tard, en vertu de la loi mosaïque, ce serait à un membre de la famille d’une personne assassinée qu’il reviendrait d’ôter la vie au meurtrier. Cette personne était appelée vengeur du sang, une expression qui vient de l’hébreu go’el qui signifie « parent le plus proche ». Toutefois, si quelqu’un tuait une personne involontairement, ce qu’on appelle aujourd’hui un homicide involontaire, il pouvait s’enfuir dans une ville de refuge où sa vie ne pouvait pas lui être ôtée par le vengeur du sang avant d’avoir comparu devant la communauté pour être jugé.[5])
Le livre des Juges (chapitres 17 à 21) contient des récits d’actes horribles commis par des individus en Israël à l’époque où il n’y avait pas de gouvernement en exercice. Dans ces chapitres, nous lisons quatre fois qu’en l’absence de roi (autorité gouvernante), l’anarchie régnait dans le pays.
En ce temps-là, il n’y avait pas de roi en Israël. Chacun faisait ce qu’il jugeait bon.[6]
En l’absence d’un roi ou d’un gouvernement constitué, les individus pouvaient faire ce qu’ils voulaient et, comme ils étaient pécheurs, ils faisaient continuellement ce qui est mal. (Les livres de 1 Rois et 2 Rois et ceux de 1 Chroniques et 2 Chroniques qui suivent le livre des Juges, décrivent une période de l’histoire d’Israël où le gouvernement était plus structuré).
L’une des fonctions du gouvernement est de punir les gens qui enfreignent la loi, et de protéger et servir ceux qui la respectent. Les dirigeants sont censés juger équitablement, conformément à la loi, défendre les faibles et ceux qui ne sont pas en mesure de se défendre eux-mêmes, et punir ceux qui font du mal à autrui.
Le concept de gouvernement en tant qu’organe ayant le pouvoir légitime de punir les malfaiteurs et de les dissuader de commettre des actes délictueux se retrouve également dans le Nouveau Testament. L’apôtre Paul a écrit :
Que tout homme se soumette aux autorités supérieures, car il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent ont été mises en place par Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité lutte contre une disposition établie par Dieu, et ceux qui sont engagés dans une telle lutte recevront le châtiment qu’ils se seront attiré. Car ce sont les malfaiteurs, et non ceux qui pratiquent le bien, qui ont à redouter les magistrats. Tu ne veux pas avoir peur de l’autorité ? Fais le bien, et l’autorité t’approuvera. Car l’autorité est au service de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, redoute-la. Car ce n’est pas pour rien qu’elle peut punir de mort. Elle est, en effet, au service de Dieu pour manifester sa colère et punir celui qui fait le mal. C’est pourquoi il est nécessaire de se soumettre à l’autorité, non seulement par peur de la punition, mais surtout par motif de conscience. C’est pour les mêmes raisons que vous devez payer vos impôts. Car ceux qui les perçoivent sont eux aussi au service de Dieu, dans l’exercice de leurs fonctions.[7]
A la lecture de ce passage nous comprenons que :
1. Dieu a ordonné le gouvernement et lui a donné une autorité. Jésus a exprimé ce concept lorsqu’Il a dit à Ponce Pilate, le gouverneur de Judée : Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’en haut.[8]
2. Les gouvernements sont censés contenir les malfaiteurs par la menace d’un châtiment. Ceux qui font le mal devraient avoir la crainte des autorités qui, lorsqu’elles appliquent la loi et punissent les contrevenants, le font au nom de Dieu.
3. Les autorités civiles « approuvent » ceux qui font le bien. Elles encouragent la bonne conduite et récompensent les comportements qui contribuent au bien commun dans la société.
4. Les agents du gouvernement sont des serviteurs de Dieu dans le sens que, lorsqu’ils punissent le mal et approuvent le bien, ils sont au service de Dieu pour ton bien. Paul voulait dire qu’en général, l’institution du gouvernement civil est une bonne chose et, lorsqu’elle récompense le bien et punit le mal, elle doit généralement être considérée comme une bénédiction de Dieu. Toutefois, cela ne signifie pas que tout ce que font les membres du gouvernement est bien, du fait que les gens qui travaillent pour les gouvernements de ce monde sont des pécheurs comme nous tous et qu’ils peuvent faire le mal, être injustes et corrompus. Dans l’Ancien Testament comme dans le Nouveau, les prophètes de Dieu réprimandaient les dirigeants. À maintes reprises dans l’Ancien Testament, nous lisons que les rois firent ce qui est mal aux yeux de l’Éternel.[9] Dans le Nouveau Testament, Jean-Baptiste réprimanda le roi Hérode pour toutes les mauvaises actions qu’il avait commises.[10] (Il est parfois légitime pour les citoyens d’un pays de désobéir au gouvernement, voire de le renverser. Nous reviendrons sur ce point dans un article ultérieur).
5. Les autorités gouvernementales ont la responsabilité de punir les malfaiteurs. Elles sont les agents du châtiment qui appliquent la sanction appropriée pour punir le mal qui a été commis. À la fin du chapitre 12 de l’épitre aux Romains, Paul déclare : « Mes amis, ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : C’est à moi qu’il appartient de faire justice ; c’est moi qui rendrai à chacun son dû. »[11] Paul affirme ici que les chrétiens ne doivent pas se venger personnellement de ceux qui leur font du tort, mais qu’ils doivent laisser la « colère de Dieu » punir la personne en question. Au chapitre 13, il dit que l’autorité (le gouvernement) est le serviteur de Dieu pour manifester sa colère en punissant celui qui fait le mal.[12] Le gouvernement a la charge de punir les malfaiteurs ; il est donc l’instrument ordonné par Dieu pour le faire.
L’apôtre Pierre faisait une remarque similaire pour indiquer que les chrétiens sont soumis aux autorités légales :
Pour l’amour du Seigneur, soumettez-vous à vos semblables, qui sont des créatures de Dieu : au roi qui détient le pouvoir suprême, comme à ses gouverneurs chargés de punir les malfaiteurs et d’approuver les gens honnêtes.[13]
Comme Paul, il enseignait que les gouvernements ont pour mission d’administrer un châtiment à ceux qui enfreignent la loi et de promouvoir le bien commun.
Certains se demandent si le fait de punir ceux qui enfreignent la loi ne va pas à l’encontre du commandement de Jésus « Ne résistez pas à celui qui vous veut du mal ; au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. »[14] Le terme grec traduit par « te gifle » décrit une gifle donnée du dos de la main droite sur la joue droite, ce qui, à l’époque, était considéré comme une véritable insulte. Jésus parlait de situations personnelles, en affirmant que l’on devrait accepter une insulte sans riposter. Le concept de tendre l’autre joue s’applique au comportement de chacun, et non pas au gouvernement qui a la responsabilité de punir les malfaiteurs.
Les chrétiens sont tenus de se soumettre au gouvernement du pays dans lequel ils vivent. Toutefois, ils ne sont pas tenus d’obéir au gouvernement lorsque celui-ci leur commande d’agir d’une manière qui les amènerait à enfreindre un commandement de Dieu. Par exemple, dans le livre de Daniel, trois hommes juifs—Chadrak, Méchak et Abed-Nego—refusèrent de se prosterner devant une statue et de l’adorer [15] car cela les aurait amenés à désobéir au deuxième commandement, Tu ne te feras pas d’idole … Tu ne te prosterneras pas devant de telles idoles et tu ne leur rendras pas de culte.[16] Leur refus leur valut d’être précipités dans une fournaise ardente ; toutefois, Dieu les protégea, montrant ainsi qu’Il approuvait leur décision de désobéir à un ordre qui les aurait amenés à Lui désobéir. Dans le Nouveau Testament, nous lisons que les apôtres défièrent les ordres des autorités religieuses juives qui exigeaient qu’ils cessent de parler de Jésus.[17]
Tout au long de la Bible, nous lisons que le peuple de Dieu vivait en paix avec les autorités civiles des pays où il résidait, sauf lorsque le gouvernement édictait des lois qui contrevenaient aux lois ou aux instructions de Dieu. Les sage-femmes des Hébreux désobéirent aux ordres du Pharaon de tuer tous les nouveau-nés mâles.[18] Esther enfreignit la loi en se présentant devant le roi Xerxès sans y avoir été invitée, pour sauver les Juifs. [19] Daniel pria Dieu, enfreignant par là même une loi qui interdisait à quiconque d’adresser des prières à un dieu autre que le roi pendant trente jours.[20] Jésus ordonna à ses disciples de prêcher l’Évangile [21] ; or lorsque le capitaine du temple juif et les chefs des prêtres entendirent les disciples prêcher, ils les conduisirent devant les autorités juives, et le grand prêtre dit Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de cet homme. Et voilà que vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement. Sur quoi, Pierre et les autres apôtres répliquèrent : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.[22]
En tant que croyants, nous devons nous soumettre aux autorités civiles et obéir à ses lois, à condition qu’elles ne nous obligent pas à désobéir à Dieu et que le gouvernement ne commette pas de crimes contre ses citoyens. Un gouvernement qui devient tyrannique, qui gouverne de façon inique en exerçant un pouvoir absolu, ou qui insiste brutalement sur une obéissance totale et punit sévèrement ceux qui n’obéissent pas, perd sa légitimité et les gens qui vivent sous cette tyrannie peuvent être en droit de se rebeller.
Toutes les formes de gouvernement légitime ne se valent pas, et certaines formes sont meilleures que d’autres ; cependant, en général, l’humanité est mieux servie en vivant sous les lois d’un gouvernement constitué qu’en vivant dans un état d’anarchie, du fait que le gouvernement réprime les malfaiteurs et promeut la bonne conduite, contribuant ainsi au bien commun. S’il est vrai que les gouvernements ne sont pas parfaits et qu’en tant que citoyens, nous sommes parfois en désaccord avec certaines ou la plupart des politiques du gouvernement sous lequel nous vivons, généralement, nous devrions remercier Dieu pour la bénédiction que constitue un gouvernement humain.
Note
Sauf indication contraire, toutes les citations bibliques sont extraites de La Sainte Bible, Version du Semeur, copyright © 2000 Société Biblique Internationale. L’autre version citée est la Segond 21 (S21). Tous droits réservés.
[1] Wayne Grudem, Ethique chrétienne (Wheaton: Crossway, 2018).
[3] Voici les noms des chefs des groupes familiaux israélites : Fils de Ruben, premier-né d’Israël : Hénok, Pallou, Hetsrôn et Karmi. Telles sont les familles de la tribu de Ruben. Les fils de Siméon furent : Yemouel, Yamîn, Ohad, Yakîn, Tsohar et Saül, fils de la Cananéenne. Telles sont les familles de la tribu de Siméon. (Exode 6.14–15).
[4] Genèse 9.5–6.
[5] Nombres 35.12.
[6] Juges 17.6. Voir aussi Juges 18.1, 19.1, 21.25.
[7] Romains 13.1–6.
[8] Jean 19.11.
[9] Cette phrase, en référence aux rois hébreux, apparait 42 fois dans les livres de Rois 1 et 2 et de Chroniques 1 et 2.
[10] Luc 3.19 S21.
[11] Romains 12.19.
[12] Romains 13.4 S21.
[13] 1 Pierre 2.13–14.
[14] Matthieu 5.39.
[15] Daniel 3.13–30.
[16] Exode 20.4–5.
[17] Actes 4.15–20.
[18] Exode 1.17, 21.
[19] Esther 4.16.
[20] Daniel 6.7.
[21] Matthieu 28.19.
[22] Actes 5.27–29.