Les histoires racontées par Jésus : Le prix à payer, Luc 14.25–33

juillet 12, 2023

par Peter Amsterdam

[Counting the Cost]

Deux paraboles sur les conditions nécessaires pour être un disciple

Le chapitre 14 de l’Évangile de Luc contient certains des propos les plus difficiles à accepter de Jésus sur l’engagement du disciple. Il comprend la parabole du grand banquet[1] qui parle de ceux qui font passer leurs intérêts personnels avant l’appel à entrer dans la communion avec Dieu. Il est dit ensuite que de grandes foules accompagnaient Jésus [2], et c’est à ces foules qu’Il adresse des paroles d’une grande exigence :

Si quelqu’un vient à moi et n’est pas prêt à renoncer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à son propre moi, il ne peut être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix, et qui ne me suit pas, ne peut être mon disciple.[3] 

Après leur avoir expliqué que ceux qui veulent Le suivre devront faire des sacrifices, Il raconte dans la foulée deux petites paraboles percutantes sur l’engagement du disciple et la nécessité de bien réfléchir au prix à payer avant de Le suivre.

Voici ce que dit la première parabole :

En effet, si l’un de vous veut bâtir une tour, est-ce qu’il ne prend pas d’abord le temps de s’asseoir pour calculer ce qu’elle lui coûtera et de vérifier s’il a les moyens de mener son entreprise à bonne fin ? Sans quoi, s’il n’arrive pas à terminer sa construction après avoir posé les fondations, il risque d’être la risée de tous les témoins de son échec. « Regardez, diront-ils, c’est celui qui a commencé à construire et qui n’a pas pu terminer ! »[4]

Une phrase qui commence par « Si l’un de vous » est une tournure rhétorique qui appelle une réaction de type « personne ne ferait cela ». Jésus s’est servi de questions de pure forme ou de tournures rhétoriques similaires pour introduire d’autres paraboles :

« Supposez que l’un de vous ait un ami et qu’il aille le réveiller en pleine nuit pour lui dire : « Mon ami, prête-moi trois pains »[5]

« Si l’un de vous possède cent brebis, et que l’une d’elles vienne à se perdre, n’abandonnera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres au pâturage pour aller à la recherche de celle qui est perdue jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? »[6]

« Supposons que l’un de vous ait un serviteur occupé à labourer ou à garder le troupeau. En le voyant rentrer des champs, lui direz-vous : « Viens vite, assieds-toi à table » ?[7]

Dans cette parabole, il est sous-entendu que personne de sensé ne construirait un bâtiment sans en estimer préalablement le coût pour déterminer s’il a suffisamment d’argent pour achever les travaux.

Les Écritures mentionnent différents types de tours. Certaines semblent avoir été construites pour un usage militaire :

Je me tiendrai à mon poste de garde, je resterai debout sur le fort du guetteur.[8]

Car l’Éternel, le Seigneur des armées célestes, tient en réserve un jour où il se dressera contre tous les hautains, les arrogants, les orgueilleux, pour qu’ils soient abaissés, … contre toutes les tours qui sont très élevées et toutes les murailles qui sont inaccessibles.[9]

Oui, tu es pour moi un refuge, une tour fortifiée, en face de l’ennemi.[10]

Le nom de l’Éternel est une tour fortifiée : le juste s’y réfugie et se trouve en sécurité.[11]

Parfois les tours avaient une utilité agricole :

Il en sarcla le sol, en enleva les pierres et il y mit des plants de choix. Il bâtit une tour de guet au milieu de la vigne et il y creusa un pressoir.[12]

Puis il se mit à leur parler en utilisant des paraboles : « Un homme planta une vigne, l’entoura d’une haie, creusa un pressoir, et construisit une tour pour la surveiller. Après cela, il la loua à des vignerons et partit en voyage. »[13]

Les agriculteurs utilisaient des tours comme logements ou pour stocker du matériel et des produits agricoles, et pour protéger leurs récoltes des voleurs et des animaux.[14]

Dans le contexte de cette parabole, Jésus faisait vraisemblablement allusion à une tour servant à un usage agricole. Le propriétaire terrien a de bonnes intentions. La construction d’une tour lui sera bénéfique. Non seulement il pourra mieux protéger ses récoltes ou ses animaux des voleurs et des prédateurs, mais en plus il gagnera le respect de ses voisins pour avoir amélioré l’état de sa propriété. En revanche, si cet homme est assez bête pour ne pas évaluer le coût de son projet et voir s’il dispose de ressources suffisantes pour terminer la construction de sa tour, il passera pour un imbécile et se couvrira de ridicule.

Dans la culture de l’époque, il était très important d’être respecté, tandis que le déshonneur devait être évité à tout prix. Une mauvaise évaluation aurait pour conséquence que tous ceux qui verraient la construction inachevée se moqueraient de l’homme en constatant son échec et sa bêtise.

Lorsque Jésus disait que l’homme qui n’avait pas calculé le coût de la construction de son bâtiment serait en butte aux moqueries des passants, cela voulait dire qu’il perdrait tout prestige, qu’il serait la risée de la ville et qu’il se couvrirait de ridicule. Jésus avertissait ceux qu’Il appelait à Le suivre à bien réfléchir à l’engagement qu’ils allaient prendre et à ce que cela impliquait réellement—à bien considérer le coût de vivre comme un disciple et de prendre une décision pesée et réfléchie, plutôt que de prendre un engagement qu’ils seraient incapables de tenir.

Voici ce que dit sa parabole jumelle :

Supposez qu’un roi soit sur le point de déclarer la guerre à un autre. Ne prendra-t-il pas le temps de s’asseoir pour examiner s’il peut, avec dix mille hommes, affronter celui qui est sur le point de marcher contre lui avec vingt mille ? S’il se rend compte qu’il en est incapable, il lui enverra une délégation, pendant que l’ennemi est encore loin, pour négocier la paix avec lui.[15]

Bien que cette deuxième parabole soulève la même question que la première, l’enjeu est beaucoup plus important car la décision du roi met en jeu la vie de dix mille soldats, ainsi que la sienne. L’homme qui ne se donne pas la peine d’évaluer le coût de la construction de la tour n’encourt que la honte et le ridicule, alors que le roi risque de perdre la vie, ainsi que celle de nombreux soldats et son royaume.

Bien que les risques soient plus grands dans la seconde parabole, le même constat s’impose. Le roi doit évaluer la situation avec sagesse. L’armée de son adversaire est deux fois plus nombreuse que celle dont il dispose. Pour gagner, ses soldats devront être beaucoup plus habiles et efficaces que ceux de l’ennemi. Ils devront également faire preuve d’un courage extraordinaire pour affronter avec confiance une armée deux fois plus nombreuse. En outre, il doit également évaluer s’il peut disposer d’un autre type d’avantage sur l’ennemi—comme une bonne connaissance du terrain et des conditions météorologiques, de meilleures lignes de ravitaillement, une population civile plus favorable, etc. Le roi doit décider si les conditions sont réunies pour que ses soldats l’emportent et si la bataille vaut la peine d’être livrée.

Le roi devra prendre le temps de s’asseoir pour examiner s’il a les moyens d’affronter son adversaireavant de prendre une telle décision. Le mot grec traduit par examiner dans cette version de la Bible a été rendu dans d’autres versions par consulterdélibérer avec soi-même, considérer, prendre conseil. Un chef avisé réfléchit lui-même à la question et écoute les conseils des autres. S’il apparaît clairement que le risque est trop grand et que la probabilité d’une défaite est élevée, il vaudrait mieux désamorcer la situation pendant que l’armée ennemie se trouve encore à bonne distance. Auquel cas, le roi enverra une délégation à son adversaire pour négocier les conditions de paix.

La première parabole fait valoir que toute personne qui envisage de devenir un disciple de Jésus doit réfléchir au prix à payer, afin de déterminer si elle a ce qu’il faut pour être un disciple. La seconde parabole conseille de bien peser les chances de succès avant de prendre une décision aussi importante que celle de s’engager à devenir un disciple. Ces deux paraboles demandent à la personne qui envisage de devenir disciple à bien évaluer sa situation, de sorte que lorsqu’elle prend la décision de suivre Jésus, elle le fait en connaissance de cause. C’est un appel à être certain de son fait, à avoir murement réfléchi avant de s’engager à devenir un disciple.

Lorsque nous lisons l’appel de Jésus à ses premiers disciples, nous ne pouvons qu’être impressionnés par la façon dont ils ont renoncé à tout pour Le suivre.

Un jour qu’il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères : Simon (qu’on appelle aussi Pierre), et André, son frère, qui lançaient un filet dans le lac, car ils étaient pêcheurs. Il leur dit : « Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Ils abandonnèrent aussitôt leurs filets et le suivirent. Poursuivant son chemin, il vit deux autres frères : Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère. Ils étaient dans leur barque avec Zébédée, leur père, et ils réparaient leurs filets. Il les appela et, aussitôt, ils laissèrent leur barque, quittèrent leur père, et le suivirent.[16]

Bien qu’ils aient immédiatement répondu à son appel, ce n’était vraisemblablement pas la première fois qu’ils Le rencontraient. Dans l’Évangile de Jean, nous lisons qu’André, le frère de Simon Pierre, avait rencontré Jésus et passé la journée avec lui.[17] Le lendemain, il alla trouver son frère Pierre et lui dit : « Nous avons trouvé le messie. »[18] Rien n’indique que Pierre ni André ait suivi Jésus à ce moment-là. En Luc, nous lisons que Jésus enseignait sur les rives du lac de Génésareth lorsqu’Il aperçut deux barques au bord du lac et les pêcheurs qui nettoyaient leurs filets sur le rivage. Jésus monta dans l’une des barques, qui appartenait à Simon (Pierre). Lorsqu’Il eut fini d’enseigner, Il dit à Simon d’avancer là où l’eau était profonde et d’y jeter leurs filets pour pêcher. Pierre fit ce que Jésus lui avait demandé et prit une telle quantité de poissons qu’il demanda à Jacques et Jean, ses associés, de monter dans leur barque pour l’aider. C’est à ce moment-là, nous dit-on, que Pierre quitta tout pour suivre Jésus.[19]

Ailleurs dans les Évangiles, nous voyons des exemples de la manière dont Jésus avertissait ceux qui voulaient Le suivre en soulignant le prix à payer pour être un disciple :

Un spécialiste de la Loi s’approcha et lui dit : —Maître, je te suivrai partout où tu iras. Jésus lui répondit : —Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête. —Seigneur, lui dit un autre qui était de ses disciples, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. Mais Jésus lui répondit : —Suis-moi et laisse à ceux qui sont morts le soin d’enterrer leurs morts.[20]

Jésus ne cherchait pas à être suivi par des foules. Il cherchait ceux qui Le suivraient, non pas en raison de sa popularité, ni parce qu’Il nourrissait les affamés et faisait des miracles, mais parce qu’ils croyaient profondément en ce qu’Il était. Il leur demandait de bien réfléchir aux conséquences potentielles de leur décision de devenir un disciple, de bien considérer les exigences qui en découleraient et d’être sûrs qu’ils comprenaient ce que cela impliquait. Puis, une fois qu’ils auraient considéré tous les défis, les difficultés et les sacrifices potentiels, Il les appelait à prendre la décision de Le suivre en connaissance de cause. Il n’essayait pas de décourager les gens de devenir ses disciples, mais Il les invitait à bien réfléchir à ce que cela impliquait.

Choisir de suivre Jésus, c’est choisir de restructurer notre vie conformément à ses enseignements. Cela signifie changer notre façon de penser, hiérarchiser nos priorités et la façon dont nous utilisons notre temps, notre énergie et notre argent. Cela change la nature de nos relations et la manière dont nous nous comportons envers les autres, puisque nous sommes appelés à être moins égocentriques. C’est un appel à réorganiser radicalement notre vie, en sorte que nous soyons prêts à mourir pour Lui, si nécessaire. C’est un engagement de toute une vie, qui ne doit pas être pris à la légère. Comme Jésus l’a illustré dans ces paraboles, toute personne qui décide d’être un disciple doit examiner attentivement ce que cela implique, évaluer les conséquences potentielles sur sa vie et celle de ses proches, reconnaître les défis qui s’offrent à elle, puis, si elle se sent prête, prendre sans hésitation la décision de Le suivre.

Je crois que c’est la meilleure décision que l’on puisse être amener à prendre, car non seulement cela rend notre existence meilleure dès maintenant, mais aussi pour l’éternité. Et si nous sommes fidèles à annoncer le message de salut de Jésus, cela améliorera également la vie des autres.


Deux Parables sur les conditions nécessaires pour être un disciple, Luc 14.25–33

25 Comme de grandes foules accompagnaient Jésus, il se retourna vers ceux qui le suivaient et leur dit :

26 —Si quelqu’un vient à moi et n’est pas prêt à renoncer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même à son propre moi, il ne peut être mon disciple.

27 Celui qui ne porte pas sa croix, et qui ne me suit pas, ne peut être mon disciple.

28 En effet, si l’un de vous veut bâtir une tour, est-ce qu’il ne prend pas d’abord le temps de s’asseoir pour calculer ce qu’elle lui coûtera et de vérifier s’il a les moyens de mener son entreprise à bonne fin ?

29 Sans quoi, s’il n’arrive pas à terminer sa construction après avoir posé les fondations, il risque d’être la risée de tous les témoins de son échec.

30 « Regardez, diront-ils, c’est celui qui a commencé à construire et qui n’a pas pu terminer ! »

31 Ou bien, supposez qu’un roi soit sur le point de déclarer la guerre à un autre. Ne prendra-t-il pas le temps de s’asseoir pour examiner s’il peut, avec dix mille hommes, affronter celui qui est sur le point de marcher contre lui avec vingt mille ?

32 S’il se rend compte qu’il en est incapable, il lui enverra une délégation, pendant que l’ennemi est encore loin, pour négocier la paix avec lui.

33 Il en est de même pour vous ; celui qui n’est pas prêt à abandonner tout ce qu’il possède, ne peut pas être mon disciple.


Note

Sauf indication contraire, toutes les citations bibliques sont extraites de La Sainte Bible, Version du Semeur, copyright © 2000 Société Biblique Internationale. L’autre version citée est la Segond 21 (S21). Tous droits réservés. Avec permission.



[1] Luc 14.16–24. Cf. https://directors.tfionline.com/fr/post/les-histoires-racontees-par-jesus-le-grand-banquet/

[2] Luc 14.25.

[3] Luc 14.26–27. Pour mieux comprendre ces versets, voir Jesus—His Life and Message. Discipleship (Part 3).

[4] Luc 14.28–30.

[5] Luc 11.5. https://directors.tfionline.com/fr/post/les-histoires-racontees-par-jesus-lami-en-pleine-n/

[6] Luc 15.4. https://directors.tfionline.com/fr/post/les-histoires-racontees-par-jesus-perdus-et-retrou/

[7] Luc 17.7. https://directors.tfionline.com/fr/post/les-histoires-racontees-par-jesus-la-parabole-du-s/

[8] Habacuc 2.1.

[9] Esaïe 2.12,15.

[10] Psaume 61.4 S21.

[11] Proverbes 18.10 S21.

[12] Esaïe 5.2.

[13] Marc 12.1.

[14] Arland J. Hultgren, Les Paraboles de Jésus (Grand Rapids. William B. Eerdmans Publishing Company, 2000), 139.

[15] Luc 14.31–32.

[16] Matthieu 4.18–22.

[17] Jean 1.38–42.

[18] Jean 1.41.

[19] Luc 5.1–11.

[20] Matthieu 8.19–22.