Les histoires racontées par Jésus : Les méchants vignerons, Luc 20.9–19

juillet 21, 2023

par Peter Amsterdam

[The Wicked Tenants]                         

La parabole des méchants vignerons est présente dans les trois évangiles synoptiques.[1] Dans cet article, nous citerons principalement le récit de l’Évangile de Luc et quelques passages tirés des Évangiles de Matthieu et de Marc. Dans l’Évangile de Luc, cette parabole se trouve au chapitre 20, entre l’épisode où les chefs des prêtres, les spécialistes de la loi et les responsables du peuple contestent l’autorité de Jésus et celui où ils Lui demandent s’il est permis au peuple juif de payer des impôts à César.[2]

Il s’adressa ensuite au peuple et se mit à raconter cette parabole : —Un homme planta une vigne ; il la loua à des vignerons et partit en voyage pour un temps assez long. Au moment des vendanges, il envoya un serviteur auprès des vignerons afin qu’ils lui remettent une partie du produit de la vigne, mais les vignerons le rouèrent de coups et le renvoyèrent les mains vides. »[3]

Il y avait beaucoup de vignes et de vignobles en Israël à l’époque de Jésus, comme c’est le cas aujourd’hui encore dans cette région du monde. Presque tous les propriétaires terriens possédaient des vignes. Cependant, dans cette parabole, Jésus fait allusion à une grande vigne appartenant à un propriétaire absent qui avait loué son vignoble à des vignerons. L’Évangile de Matthieu donne plus de détails sur cette vigne. Le vigneron planta une vigne, l’entoura d’une haie, y creusa un trou pour le pressoir et y construisit une tour.[4]  Cela laisse penser que le propriétaire avait investi une somme considérable dans le vignoble dont il espérait obtenir un bon retour sur investissement. Les vignobles nouvellement plantés mettent quelques années avant de donner des fruits, et c’était peut-être l’année de la première récolte. Mais au lieu de donner au propriétaire ce qui lui revenait de droit, les vignerons rouèrent de coup le serviteur du propriétaire qui avait été chargé de collecter son dû. Après l’avoir battu, ils le renvoyèrent au propriétaire les mains vides.

« Le propriétaire leur envoya un autre serviteur. Celui-là aussi, ils le renvoyèrent les mains vides, après l’avoir roué de coups et couvert d’insultes. Le maître persévéra et leur en envoya un troisième. Celui-là aussi, ils le chassèrent, après l’avoir grièvement blessé. »[5]

La deuxième fois que le propriétaire envoie un de ces serviteurs collecter ce qui lui était dû, ils rouent le serviteur de coups et le traitent de manière indigne. Le terme grec traduit par couvert d’insultes exprime qu’ils le traitent avec mépris, indignement, de façon déshonorante. À sa troisième tentative pour récupérer ce qui lui revient de droit, le propriétaire de la vigne envoie encore un autre serviteur qui est grièvement blessé, probablement parce qu’il a été battu comme les autres serviteurs avant lui. Dans les évangiles de Marc[6] et de Matthieu[7], nous lisons que les vignerons leur jettent des pierres, les battent et tuent même certains des serviteurs envoyés par le propriétaire de la vigne.

« Le propriétaire du vignoble se dit alors : Que faire ? Je leur enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être auront-ils du respect pour lui. Mais quand les vignerons l’aperçurent, ils raisonnèrent ainsi entre eux : « Voilà l’héritier ! Tuons-le, afin que l’héritage nous revienne ! » Alors ils le traînèrent hors du vignoble et le tuèrent. »[8]

Comme cela n’avait servi à rien d’envoyer ses serviteurs, le propriétaire envoya son fils, qui avait beaucoup plus d’autorité que ses serviteurs. Il s’attendait à ce que les vignerons reconnaissent l’autorité de son fils, mais il se trompait. Les vignerons y virent une occasion de se débarrasser de l’héritier et le moyen de s’emparer de la vigne. Peut-être ont-ils pensé que le propriétaire était mort et que son fils était devenu le propriétaire de la vigne. Auquel cas, en l’éliminant, la vigne n’aurait plus de propriétaire et ils pourraient éventuellement en prendre possession. Quoi qu’ils aient pu fomenter, ils jetèrent le fils hors du vignoble et le tuèrent.

Jésus interprète ensuite la parabole en posant une question à laquelle Il répond Lui-même.

« Comment le propriétaire de la vigne agira-t-il envers eux ? Il viendra lui-même, fera exécuter ces vignerons et confiera le soin de sa vigne à d’autres. —Pas question ! s’écrièrent les auditeurs de Jésus en entendant cela. »[9]

La possibilité que ces vignerons parviennent à prendre possession de la vigne après avoir tué le fils était nulle. Le propriétaire de la vigne, le père du fils assassiné, aurait fait exécuter ceux qui avaient tué son fils. Les termes du récit de l’Évangile de Matthieu sont encore plus forts : « Ils lui répondirent : —Il fera exécuter sans pitié ces misérables, puis il confiera le soin de sa vigne à d’autres vignerons qui lui donneront sa part de récolte en temps voulu. »[10]

Les auditeurs sont abasourdis par l’interprétation de la parabole qui annonce un jugement sévère des dirigeants juifs et indique que la vigne sera confiée à d’autres, c’est à dire aux non-croyants. Il se trouve que ce que Jésus décrit s’est effectivement passé en 70 après J.-C., lorsque les Romains détruisirent la ville de Jérusalem et le temple juif, puis déportèrent le peuple d’Israël.

Jésus conclut son récit en citant le Psaume 118 et Esaïe 8.

« Mais lui, fixant le regard sur eux, leur dit : —Que signifie donc ce texte de l’Écriture : La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la pierre principale, à l’angle de l’édifice. Celui qui tombera contre cette pierre-là se brisera la nuque, et si elle tombe sur quelqu’un, elle l’écrasera ? »[11]

La pierre d’angle ou pierre angulaire, comme elle est mentionnée dans le Psaume 118 au verset 22, est une pierre utilisée dans le bâtiment pour supporter le poids et la tension des murs s’appuyant sur elle. Sans la pierre angulaire, les murs, et donc tout l’édifice, s’effondreraient. Jésus est la pierre angulaire, le fondement de l’édifice de Dieu – le corps des croyants, l’Église.

Puis Jésus cite Ésaïe 8.14-15 qui parle de ceux qui sont offensés par l’Évangile et rejettent la pierre et, qui par conséquent, subissent un jugement sévère. La première partie parle des dirigeants juifs qui trébuchent sur la pierre et se brisent, ce qui signifie qu’ils subissent un jugement funeste. La même idée est ensuite reprise avec l’image de la pierre qui tombe sur ces dirigeants et les écrase.

La parabole de Jésus rappelle un passage du livre d’Esaïe.

Je veux chanter pour mon ami le chant de mon ami au sujet de sa vigne. Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Il en sarcla le sol, en enleva les pierres et il y mit des plants de choix. Il bâtit une tour de guet au milieu de la vigne et il y creusa un pressoir. Il attendait donc de sa vigne de beaux raisins, mais elle n’a produit que de mauvais raisins. Maintenant donc, habitants de Jérusalem, gens de Juda, soyez les juges entre moi et ma vigne ! Qu’y avait-il encore à faire pour ma vigne que je n’aurais pas fait ? Pourquoi, alors que j’attendais un beau et bon raisin, n’en a-t-elle produit que de mauvais ? Maintenant donc, je vous ferai savoir ce que je vais faire à ma vigne : j’arracherai sa haie pour qu’elle soit broutée, je ferai une brèche dans sa clôture pour que les passants la piétinent. J’en ferai une friche : nul ne la taillera, nul ne la sarclera. Les ronces, les épines y croîtront librement, et j’interdirai aux nuages de répandre leur pluie sur elle. Or, c’est la nation d’Israël qui est la vigne de l’Éternel, du Seigneur des armées célestes. Le plant qui faisait ses délices ce sont les habitants du pays de Juda. Il attendait d’eux la droiture, et ce n’est qu’injustice ; il attendait d’eux la justice, et ce sont des cris de détresse.[12]

Dans la parabole des méchants vignerons, c’est en fait l’histoire d’Israël que Jésus raconte. Dieu a envoyé des prophètes à son peuple pour le guider et l’avertir, mais ils ont été rejetés les uns après les autres. Alors Il a envoyé son propre Fils aux Israélites, et Jésus les a patiemment appelés à Le suivre et à porter du fruit. Hélas, le peuple qui avait constamment rejeté les prophètes n’a pas non plus reçu le Fils de Dieu et n’a pas cru en Lui. Dans cette parabole, Jésus prédit sa propre mort qui sera le comble de leur rejet.

Bien sûr, il faut reconnaître que ce n’est pas toute la nation d’Israël qui a rejeté Jésus. Ses premiers disciples et Lui étaient tous des juifs. L’apôtre Paul, qui a joué un rôle majeur dans l’introduction et la propagation du christianisme dans le monde occidental, était juif, lui aussi. Paul a souvent insisté sur le fait que la nationalité d’une personne ne faisait aucune différence en matière de salut ; ce qui compte, c’est de croire, et de devenir une nouvelle création.

Peu importe d’être circoncis ou non. Ce qui compte, c’est d’être une nouvelle créature. Que la paix et la grâce de Dieu soient accordées à tous ceux qui suivent cette règle de vie, ainsi qu’à l’Israël de Dieu.[13]


Les méchants vignerons, Luc 20.9–19

9 Il s’adressa ensuite au peuple et se mit à raconter cette parabole : —Un homme planta une vigne ; il la loua à des vignerons et partit en voyage pour un temps assez long.

10 Au moment des vendanges, il envoya un serviteur auprès des vignerons afin qu’ils lui remettent une partie du produit de la vigne, mais les vignerons le rouèrent de coups et le renvoyèrent les mains vides.

11 Le propriétaire leur envoya un autre serviteur. Celui-là aussi, ils le renvoyèrent les mains vides, après l’avoir roué de coups et couvert d’insultes.

12 Le maître persévéra et leur en envoya un troisième. Celui-là aussi, ils le chassèrent, après l’avoir grièvement blessé.

13 Le propriétaire du vignoble se dit alors : Que faire ? Je leur enverrai mon fils bien-aimé ; peut-être auront-ils du respect pour lui.

14 Mais quand les vignerons l’aperçurent, ils raisonnèrent ainsi entre eux : « Voilà l’héritier ! Tuons-le, afin que l’héritage nous revienne ! »

15 Alors ils le traînèrent hors du vignoble et le tuèrent. Comment le propriétaire de la vigne agira-t-il envers eux ?

16 Il viendra lui-même, fera exécuter ces vignerons et confiera le soin de sa vigne à d’autres. —Pas question ! s’écrièrent les auditeurs de Jésus en entendant cela.

17 Mais lui, fixant le regard sur eux, leur dit : —Que signifie donc ce texte de l’Écriture : La pierre rejetée par les constructeurs est devenue la pierre principale, à l’angle de l’édifice.

18 Celui qui tombera contre cette pierre-là se brisera la nuque, et si elle tombe sur quelqu’un, elle l’écrasera ?

19 Les spécialistes de la Loi et les chefs des prêtres cherchèrent à mettre immédiatement la main sur Jésus, mais ils eurent peur des réactions du peuple. En effet, ils avaient bien compris que c’était eux que Jésus visait par cette parabole.


Note

Sauf indication contraire, toutes les citations bibliques sont extraites de La Sainte Bible, Version du Semeur, copyright © 2000 Société Biblique Internationale. Tous droits réservés. Avec permission.



[1] Matthieu 21.33–46, Marc 12.1–11, and Luc 20.9–19.

[2] Cf. “Jesus—His Life and Message. The Question of Authority.”

[3] Luc 20.9–10.

[4] Matthieu 21.33.

[5] Luc 20.11–12.

[6] Marc 12.5.

[7] Matthieu 21.35.

[8] Luc 20.13–15.

[9] Luc 20.15–16.

[10] Matthieu 21.41.

[11] Luc 20.17–18.

[12] Esaïe 5.1–7.

[13] Galates 6.15–16.