Les histoires racontées par Jésus : Les deux débiteurs, Luc 7:36–50
septembre 25, 2014
par span> Peter Amsterdam
Les histoires racontées par Jésus : Les deux débiteurs, Luc 7:36–50
[The Stories Jesus Told: The Two Debtors, Luke 7:36–50]
La parabole des deux débiteurs, ou comme on l’appelle parfois, la parabole du pharisien et de la femme pécheresse, est rapportée en Luc 7:36–50. C’est une magnifique histoire d’amour, de miséricorde et de gratitude. Un exégète du Nouveau Testament l’appelle « un des plus précieux trésors religieux du monde occidental ».[1] La parabole elle-même est très courte, seulement deux versets insérés au cœur de l’action et du dialogue, lors de la visite de Jésus et du repas servi chez Simon le pharisien. Bien que brève, la parabole met clairement en lumière le pardon de Dieu et la réponse appropriée.
L’histoire commence ainsi:
Un pharisien invita Jésus à manger. Jésus se rendit chez lui et se mit à table.[2]
À première vue, cet exposé concis des faits peut sembler dénué d’ambigüité. En réalité, un des éléments essentiels de l’histoire concerne ce qui ne se passe pas. Ceux qui étaient présents auraient immédiatement remarqué qu’une violation des règles du savoir–vivre venait d’avoir lieu, et que c’était un acte délibéré.
La coutume de l’époque dictait que lorsqu’un invité entrait chez quelqu’un, son hôte devait l’accueillir en l’embrassant soit sur la joue, soit sur la main. Puis on apportait de l’eau et de l’huile d’olive pour laver les mains et les pieds de l’invité. À l’époque, l’huile d’olive était aussi utilisée comme un savon. Dans certains cas, l’hôte oignait la tête de son invité avec de l’huile. Simon n’avait manifesté aucune de ces marques de politesse envers Jésus. C’était une violation flagrante du protocole et des bonnes manières.
Les pharisiens considéraient leur table à manger comme l’équivalent de l’autel du temple; ils s’efforçaient de maintenir, dans leur maisonnée et parmi leurs compagnons de table, le même état de pureté rituelle requis des prêtres officiant dans le temple. Ils mangeaient uniquement avec ceux qui étaient dans un état de pureté rituelle. Le fait que Simon ait invité Jésus à manger chez lui montre qu’il considérait que Jésus était rituellement pur.[3]
Un peu plus loin dans le récit, il appelle Jésus « maître ». D’après les anciens écrits juifs, le fait de recevoir chez soi un maître ou un érudit était considéré comme un honneur. Ayant été invité chez Simon, la moindre des choses à laquelle Jésus pouvait s’attendre était un baiser de bienvenue, de l’eau pour ses pieds et de l’huile d’olive pour se laver les mains. Mais rien de tout cela ne Lui est offert, et les autres invités n’ont sans doute pas manqué de le remarquer. À ce moment-là, Jésus aurait pu dire à juste titre : « Je ne suis pas le bienvenu ici », et quitter les lieux en colère. Mais Il ne fait rien de cela. Jésus aurait été en droit de prendre le manque d’hospitalité de Simon comme un affront personnel, mais Il encaisse l’insulte et se met à table sans avoir pu se laver les mains et les pieds.[4]
Le fait qu’ils s’allongent pour se mettre à table indique qu’il s’agissait d’un repas cérémonieux. Lors de ces repas, les convives s’allongeaient sur des canapés, autour d’une table centrale qui avait généralement la forme d’un U. Au cours de ces repas officiels, on discutait généralement de sujets sérieux d’intérêt mutuel, et dans ce cas précis, comme le repas avait lieu dans la maison d’un pharisien, on s’attendait à ce que la discussion tourne autour des Écritures.[5]
L’histoire se déroule avec la scène suivante :
Survint une femme connue dans la ville pour sa vie dissolue. Comme elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, elle avait apporté un flacon d’albâtre rempli de parfum. Elle se tint derrière Lui, à ses pieds. Elle pleurait ; elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus ; alors elle les essuya avec ses cheveux et, en les embrassant, elle versait le parfum sur eux.[6]
La femme, qui était connue dans toute la ville pour être une pécheresse, avait appris que Jésus allait manger ce jour-là chez Simon, et elle se trouvait donc déjà sur les lieux lorsque Jésus arriva. L’interprétation la plus communément admise est que cette femme était une prostituée. Comment se fait-il que cette femme ait eu la permission d’assister au repas qui était servi dans la maison de Simon ? Aucun pharisien ne l’aurait invitée à dîner, comme en témoigne le fait que les pharisiens critiquaient Jésus parce qu’Il avait l’habitude de manger avec des pécheurs.[7] Donc, la présence d’une prostituée et ses actes ultérieurs étaient insultants pour le pharisien et ses autres invités. Néanmoins, il semble que sa présence ait été tolérée.
Voici ce qu’en dit un auteur :
Lors d’un repas traditionnel dans un village du Moyen-Orient, les exclus de la communauté ne sont pas tenus à l’écart. Ils s’assoient silencieusement par terre contre un mur, et on les nourrit à la fin du repas. Leur présence est un compliment pour l’hôte, qui est perçu comme quelqu’un de noble qui daigne donner à manger aux exclus de la communauté. Les rabbins insistaient pour que la porte reste ouverte lorsqu’un repas était servi de peur que la nourriture vienne à manquer (c’est-à-dire de peur que l’on ne ferme la porte aux bénédictions de Dieu.)[8]
La femme n’était pas là en tant qu’invitée ; elle avait la permission d’assister au repas, mais pas de partager le repas. Mais pourquoi se trouvait-elle là ? Pour quelle raison était-elle présente ? Il est fort probable que c’était parce qu’elle avait entendu Jésus parler auparavant, et qu’elle avait été transformée par ses paroles. Tout ce que j’ai eu l’occasion de lire sur cette parabole laisse à penser que la femme avait certainement déjà rencontré Jésus avant ce repas, et qu’elle en avait été profondément transformée. Bien que ce ne soit pas explicitement mentionné dans la Bible, on le devine, et cela devient de plus en plus évident au fur et à mesure que le récit progresse.
Il est probable que Simon et la femme avaient entendu Jésus parler quand Il était passé dans leur ville. Simon avait invité Jésus à manger chez lui, ce qui était une marque normale de courtoisie à l’endroit d’un rabbin ou d’un maître de passage. La femme se serait renseignée sur l’endroit où se trouvait Jésus, et elle aurait appris qu’Il avait été invité à dîner chez Simon, où elle se serait rendue plus tard. Un peu plus loin dans le récit, nous entendons Jésus dire à Simon : « Mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a cessé de couvrir mes pieds de baisers », ce qui implique qu’elle se trouvait là avant que Jésus n’arrive chez Simon, ou bien qu’elle était arrivée à temps pour être témoin du manque de respect subi par Jésus à son arrivée.
La femme avait sans doute entendu dire que Jésus avait la réputation de se mêler aux pécheurs. Elle L’avait probablement entendu parler de la rémission des péchés, et elle avait appris que Dieu l’aimait, elle, et les autres comme elle, et qu’elle avait droit à la grâce de Dieu, même si elle était pécheresse. Elle avait reçu ce qu’Il disait et avait été transformée. Elle était très heureuse que ses péchés aient été pardonnés et d’avoir été libérée, et elle était venue chez Simon pour exprimer sa gratitude à Celui qui lui avait annoncé cette bonne nouvelle.
Nous apprenons qu’elle avait apporté un flacon d’albâtre rempli de parfum. L’albâtre est une roche tendre dont on faisait des petits flacons pour y verser des huiles parfumées. Dans certaines anciennes traductions de la Bible, le mot parfum a été traduit par huile odoriférante. Les femmes portaient autour du cou un flacon rempli d’huile parfumée, qui pendait sur leur poitrine, et qui servait à parfumer et à adoucir l’haleine de celle qui le portait.[9] De tels parfums étaient à l’époque très coûteux. Lorsque la femme avait découvert où se trouvait Jésus, elle avait pris son flacon d’huile parfumée pour en oindre les pieds de Jésus afin de Lui exprimer sa gratitude pour ce qu’Il avait fait pour elle.
Toutefois, elle était profondément attristée de voir la froideur et la façon insultante avec laquelle Simon avait reçu Jésus. Celui qui l’avait libérée par son message d’amour et du pardon de Dieu venait de se faire humilier sous ses yeux.[10] Simon n’avait pas lavé les pieds de Jésus, ce qui indiquait qu’il Le considérait comme un inférieur. Il ne Lui avait même pas donné d’eau pour qu’Il puisse se laver les pieds Lui-même. Aucun baiser de bienvenue ne Lui avait été donné. En voyant cela, la femme se mit à pleurer. Que pourrait-elle bien faire pour compenser ce manque d’hospitalité flagrant envers l’homme qui avait transformé sa vie ?
On imagine très bien la scène : Jésus est attablé, couché sur le côté, appuyé sur son coude gauche, Il mange de la main droite. Ses pieds sont à l’autre bout de la couche, à l’opposé de la table, près de la femme qui est assise par terre, appuyée contre le mur. En voyant ses pieds couverts de poussière, elle décide de faire ce que Simon n’a pas fait, et se sert de ses larmes pour Lui laver les pieds. N’ayant pas de serviette pour Le sécher et L’essuyer, elle laisse tomber ses cheveux et pour Lui en essuyer les pieds. Puis elle Lui embrasse les pieds. Le mot grec traduit par « embrasser » dans ce passage signifie couvrir de baisers. Elle couvre de baisers les pieds de Jésus.
Les invités sont choqués par cette scène, qu’ils considèrent répréhensible à plusieurs égards. Une femme ne laisserait jamais tomber ses cheveux dans un geste d’intimité, sauf en présence de son mari. Si l’on en croit certains écrits rabbiniques, si une femme laissait tomber ses cheveux en public, c’était un motif de divorce. Et voici une femme immorale qui fait exactement cela devant plusieurs hommes attablés. Comme pour aggraver son cas, elle touche un homme qui n’est même pas un parent ; voilà une chose qu’aucune femme respectable ne ferait. Pour Simon et ses hôtes, c’était absolument inacceptable.
Puis, dans un magnifique geste de gratitude, elle verse l’huile parfumée de son flacon d’albâtre pour en oindre les pieds de Jésus. Il semble que ce soit là la raison pour laquelle elle était venue dans la maison où Jésus allait dîner, pour Lui témoigner sa reconnaissance. Le fait qu’elle Lui ait lavé les pieds de ses larmes et qu’elle les ait essuyés avec ses cheveux était probablement un acte spontané, en réaction à l’insulte subie par Jésus de la part de Simon. Puisqu’on n’avait pas donné d’eau à Jésus pour Lui laver les pieds, elle Lui laverait les pieds avec ses larmes et les essuierait avec sa chevelure. Puisqu’Il n’avait pas reçu de baiser de bienvenue, elle Lui couvrirait les pieds de baisers.
Le fait de baiser les pieds de Jésus en public était une marque de grande humilité, de dévotion et de profonde gratitude. Le Talmud contient le récit d’un homme accusé d’un meurtre, qui baise les pieds de l’avocat qui l’a fait acquitter et lui a ainsi sauvé la vie.[11]
La femme est profondément reconnaissante d’avoir reçu le pardon de ses péchés ; elle s’est repentie et sa vie en a été transformée. Elle a acheté un parfum très coûteux et l’a déversé sur les pieds de Jésus, en signe de gratitude pour ce qu’Il a fait pour elle. Comme elle est blessée de voir la façon dont Jésus a été traité, elle amplifie sa manifestation publique de gratitude dans la façon dont elle lui rend hommage. Son acte est perçu comme scandaleux par les convives, exactement comme ce qu’ils attendraient de la part d’une femme à la conduite immorale. Ils ne savent pas qu’elle a été pardonnée ; ils ne voient en elle qu’une pécheresse indigne. Ils n’arrivent pas à croire que Jésus permette à une femme d’aussi mauvaise réputation de Le traiter ainsi. Mais Il la laisse faire.
Notre histoire continue ainsi:
En voyant cela, le pharisien qui L’avait invité se dit : « Si cet homme était vraiment un prophète, Il saurait quelle est cette femme qui Le touche, que c’est quelqu’un qui mène une vie de débauche. »[12]
Il ne semble pas que le fait de voir exposé son manquement à ses devoirs d’hôte ait affecté Simon outre mesure. Au contraire, il critique le Christ en son for intérieur. L’ayant déjà entendu prêcher et enseigner, Simon devait se demander si Jésus était un vrai prophète ou un faux prophète. Il semble qu’il en ait conclu que Jésus n’était pas vraiment un prophète, puisque dans son esprit, si Jésus avait vraiment été un prophète, Il aurait su que cette femme qui Le touchait était une femme immorale et que, ce faisant, elle Le souillait.
Il se peut qu’en invitant Jésus à manger chez lui, Simon avait eu l’intention de Le mettre à l’épreuve, et de voir s’Il était vraiment un prophète. Après avoir assisté à cette scène, et ayant remarqué ce qu’il considérait comme un grave manque de discernement de la part de Jésus, Simon était probablement convaincu que Jésus ne remplissait pas les critères spirituels que l’on pouvait attendre d’un prophète de Dieu. Aucun homme de Dieu n’aurait toléré le comportement de cette femme.
Mais Simon se trompe. Jésus connaît très bien l’état spirituel de la femme. Il sait qu’elle a été une pécheresse, puisqu’Il dira plus tard que « ses péchés sont nombreux. » Il sait aussi que ses péchés lui ont été pardonnés parce qu’elle a cru, par la foi, au pardon de Dieu dont elle L’avait entendu parler auparavant. Par ailleurs, Jésus prouve qu’Il est un prophète en montrant qu’Il a discerné les pensées de Simon. Bien que Simon n’ait pas formulé tout haut ce qu’il pensait, Jésus l’interpelle à ce sujet.
Jésus lui répondit à haute voix : – Simon, J’ai quelque chose à te dire. – Oui, Maître, parle, répondit le pharisien.”[13]
La phrase « j’ai quelque chose à te dire » est une tournure typiquement moyen-orientale, qui introduit un discours direct que l’auditeur n’a sans doute pas très envie d’entendre. Et nous voyons que c’est bien le cas.[14]
C’est à ce moment du récit que Jésus nous raconte la courte parabole des deux débiteurs.
« Il était une fois un prêteur à qui deux hommes devaient de l’argent. Le premier devait cinq cents pièces d’argent ; le second cinquante. Comme ni l’un ni l’autre n’avaient de quoi rembourser leur dette, il fit cadeau à tous deux de ce qu’ils lui devaient. À ton avis, lequel des deux l’aimera le plus? »[15]
Un denier d’argent correspondait au salaire d’une journée ordinaire de travail. Donc, l’un des débiteurs de la parabole devait au prêteur une somme équivalant à 500 jours de travail, tandis que l’autre lui devait l’équivalent de 50 jours de travail. Une différence de taille! Le généreux prêteur efface la dette des deux débiteurs lorsqu’ils se trouvent dans l’impossibilité de payer.
L’auteur Kenneth Bailey explique:
Aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau Testament, les concepts « effacer une dette » et « pardonner un péché » se recoupent, et il n’est pas rare qu’ils soient formulés exactement de la même façon, avec les mêmes mots.[16]
Dans ce cas précis, le verbe qui exprime effacer la dette a sa racine dans le mot grec charis, qui est souvent traduit par grâce. Dans tout le Nouveau Testament, le verbe « pardonner » s’emploie aussi bien dans un contexte financier, comme dans l’expression « pardonner une dette », que dans un contexte religieux, comme dans « pardonner des péchés ». Dans cette parabole, Jésus fait allusion à une dette d’argent, mais comme nous allons le voir, la référence au créancier et au débiteur s’applique également à Dieu et au pardon des péchés.
A la question de savoir lequel des deux débiteurs aimera le plus le créancier qui a effacé la dette :
Simon répondit : – Celui, je suppose, auquel il aura remis la plus grosse dette. – Voilà qui est bien jugé, lui dit Jésus.[17]
Simon se rend compte que la parabole est une sorte de piège verbal dans lequel il s’est fait prendre, et répond sans grande conviction « je suppose ». Bien qu’on L’ait traité avec peu d’égards, Jésus félicite Simon d’avoir donné la bonne réponse.
La leçon de la parabole, c’est que l’amour est la réponse appropriée, la bonne réaction à la grâce, à une faveur que l’on n’a pas méritée; c’est que la personne à qui l’on a pardonné la plus grosse dette aimera le plus et manifestera la plus grande gratitude. Cela dit, Jésus parle tout à fait franchement à Simon.
Puis, se tournant vers la femme, Il reprit : « Tu vois cette femme ? Eh bien, quand Je suis entré dans ta maison, tu ne M’as pas apporté d’eau pour Me laver les pieds ; mais elle, elle Me les a arrosés de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne M’as pas accueilli en M’embrassant, mais elle, depuis que Je suis entré, elle n’a cessé de couvrir mes pieds de baisers. Tu n’as pas versé d’huile parfumée sur ma tête, mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds. C’est pourquoi Je te le dis : ses nombreux péchés lui ont été pardonnés, c’est pour cela qu’elle M’a témoigné tant d’amour. Mais celui qui a eu peu de choses à se faire pardonner ne manifeste que peu d’amour ! »[18]
Ces paroles sont adressées à Simon, mais en parlant, Jésus se tourna vers la femme. Il lui dit : « Tu vois cette femme, Simon ? » Il essaie de faire en sorte que Simon la regarde comme une personne, non pas comme une pécheresse. Jésus cherche à faire changer Simon de point de vue sur cette femme en particulier et par là même, sur les gens en général.
Simon considérait le geste de la femme comme une insulte, comme un acte déplacé conforme à la piètre opinion qu’il avait de cette pécheresse, prostituée de surcroît. Il n’avait pas compris que c’était une personne qui avait été pardonnée et que Dieu aimait. Jésus essayait de l’aider à voir la femme comme Lui la voyait, comme quelqu’un à qui beaucoup de choses ont été pardonnées et qui a, par conséquent, beaucoup d’amour, et qui manifeste son amour et sa gratitude par ses actes. Il aurait aimé que Simon se rende compte et accepte que ses péchés étaient pardonnés et qu’elle n’était plus une prostituée. En effet, si Simon et ses convives l’acceptaient, elle pourrait être à nouveau accueillie dans la communauté, et elle ne serait plus considérée comme une pécheresse, mais comme une enfant de Dieu.
Jésus énumérait les fautes de savoir-vivre de Simon, toutes ces choses qu’il avait omis de faire, tous ses faux-pas. Il faisait ressortir le contraste entre les impairs de Simon et les gestes nobles de la femme – dont les actes étaient allés bien au-delà de ce que Simon aurait dû faire mais qu’il n’avait pas fait. Des actes extravagants. Des gestes exprimant l’amour et la gratitude. Et Jésus choisit ce moment pour faire le lien entre le grand amour de cette femme et ses nombreux péchés qui lui ont été pardonnés.
Puis Il [Jésus] dit à la femme : « Tes péchés te sont pardonnés. »[19]
Jésus n’était pas en train de lui dire qu’à ce moment précis Il pardonnait ses péchés à la femme, mais que ses péchés étaient déjà pardonnés. L’amour qu’elle avait manifesté et son élan de gratitude étaient une réaction au pardon qu’elle avait déjà reçu, quand elle avait entendu Jésus parler quelque temps auparavant. D’après ce qu’Il disait, il était évident qu’elle avait compris que l’on ne pouvait recevoir la grâce et le pardon de Dieu que par la foi, et non pas par ses bonnes œuvres. Le fait d’apprendre que Dieu pardonne volontiers les péchés, même si la personne qui a besoin d’être pardonnée n’est ni très pieuse ni religieuse, lui avait procuré une grande joie et un merveilleux sentiment de liberté.
La réaction de la femme était à l’image de sa profonde gratitude. Plus que tout, elle voulait voir Jésus, qui lui avait apporté ce merveilleux message, afin de pouvoir Lui exprimer son immense gratitude.
Les autres convives n’avaient absolument rien compris. Ils se trompaient complètement sur l’essentiel et interprétaient de travers ce que Jésus disait.
Les autres invités se dirent en eux–mêmes : « Qui est donc cet homme qui ose pardonner les péchés ? »[20]
Il est vrai que tout au long des Evangiles, Jésus pardonnait aux gens leurs péchés – ce que les dirigeants religieux considéraient comme un blasphème – mais là, à ce moment précis, Il ne pardonnait pas les péchés de la femme, puisqu’ils lui avaient déjà été pardonnés.
Mais Jésus dit à la femme : – Parce que tu as cru en Moi, tu es sauvée ; va en paix.[21]
Sa foi l’avait sauvée. Elle avait cru à la grâce de Dieu ; elle l’avait acceptée. Elle savait qu’elle ne la méritait pas. Ses péchés étaient nombreux. Il n’y avait rien qu’elle puisse faire pour mériter le salut. Elle avait cru et accepté ce que Jésus lui avait dit – c’est-à-dire que pour être sauvée, il lui suffisait d’avoir la foi et d’accepter.
Et c’est ainsi que se termine notre histoire. Aucune mention n’est faite d’une réponse ou d’une réaction de Simon. Est-ce qu’il a bien saisi ? Est-ce qu’il se rend compte qu’il a eu tort de porter un tel jugement sur la femme ? Est-ce qu’il accepte le fait qu’elle avait beaucoup d’amour parce que ses nombreux péchés avaient été pardonnés? Est-ce qu’il se rend compte qu’il n’a pas beaucoup d’amour ? Est-ce que Simon comprend qu’il est lui aussi débiteur – qu’il est un pécheur qui a besoin de l’amour et du pardon de Dieu – ou bien est-il simplement obnubilé par les péchés de la femme ? Est-ce qu’il accepte le fait que la femme est pardonnée, qu’elle a été transformée, et va-t-il l’accepter à nouveau dans la communauté ? Ces questions restent sans réponse; c’est donc à nous, lecteurs, de méditer sur les leçons de cette histoire et d’en tirer nos propres conclusions.
Alors que je repensais à ce qui s’était passé dans la maison de Simon, je me mis à réfléchir à la façon dont je traitais le Seigneur et les autres. Il est bon de réfléchir à ces choses de temps en temps. Je me posai des questions comme: Peut-on accepter que ceux qui ont gravement péché puissent être pardonnés et changer au point de devenir de nouvelles personnes en Christ ? Est-ce que nous sommes toujours reconnaissants d’avoir été sauvés ? Est-ce que nous louons Dieu et Le remercions pour notre rédemption ? Est-ce que nous nous rappelons ce qu’il en a coûté à Jésus de prendre la punition pour nos péchés ? Avons-nous perdu la joie et l’émerveillement de notre salut ?
Comment traitons-nous Jésus, une fois que nous L’avons invité dans notre vie ? Le traitons-nous comme l’a fait Simon – avec froideur et en Lui manquant de respect ? Ou bien Le traitons-nous avec tout le respect et l’honneur qui Lui sont dus, en Lui donnant notre temps, notre attention, notre amour ? Prenons-nous le temps d’écouter ses paroles et de nous en imprégner ? Est-ce que nous les mettons en pratique ? Est-ce que nous obéissons à sa parole ? Est-ce que nous Le payons de retour par nos dîmes et nos offrandes, et en ayant de la compassion envers les pauvres et les nécessiteux ?
La femme avait cette joie profonde que l’on a lorsqu’on se rend compte que nos péchés ont été pardonnés. Sa gratitude était manifeste, et s’exprimait par ses actes. Sommes-nous suffisamment reconnaissants pour agir conformément à notre pardon et à notre salut, à la fois intérieurement par la louange et extérieurement par notre obéissance ?
Est-ce que nous voyons les autres comme Jésus les voyait, en reconnaissant qu’Il est mort pour eux aussi, et qu’Il veut qu’eux aussi reçoivent le don merveilleux du salut ? En témoignage de notre gratitude pour cette dette effacée, sommes-nous motivés à aider les autres à trouver le même pardon ? -- A les aimer, à leur parler, à donner de notre personne, à sacrifier notre temps et notre énergie pour leur apporter le salut ? Fussent-ils pauvres ou riches, jeunes ou vieux, ignorants ou intellectuels, disgracieux ou beaux, pécheurs ou pieux, exclus ou populaires ? Jésus veut les sauver tous. Est-ce que nous faisons ce qu’Il attend de nous pour qu’ils puissent être sauvés ?
Est-ce que nous traduisons notre amour et notre gratitude par des actes ? Nous avons été abondamment pardonnés. Est-ce que nous montrons beaucoup d’amour ?
Les deux débiteurs, Luc 7:36–50 SEM/BFC
36 Un pharisien invita Jésus à manger. Jésus se rendit chez lui et se mit à table.
37 Survint une femme connue dans la ville pour sa vie dissolue. Comme elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, elle avait apporté un flacon d’albâtre rempli de parfum.
38 Elle se tint derrière lui, à ses pieds. Elle pleurait ; elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus ; alors elle les essuya avec ses cheveux et, en les embrassant, elle versait le parfum sur eux.
39 En voyant cela, le pharisien qui l’avait invité se dit : Si cet homme était vraiment un prophète, il saurait quelle est cette femme qui le touche, que c’est quelqu’un qui mène une vie de débauche.
40 Jésus lui répondit à haute voix : – Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Oui, Maître, parle, répondit le pharisien.
41 – Il était une fois un prêteur à qui deux hommes devaient de l’argent. Le premier devait cinq cents pièces [deniers] d’argent ; le second cinquante.
42 Comme ni l’un ni l’autre n’avaient de quoi rembourser leur dette, il fit cadeau à tous deux de ce qu’ils lui devaient. À ton avis, lequel des deux l’aimera le plus ?
43 Simon répondit : – Celui, je suppose, auquel il aura remis la plus grosse dette. – Voilà qui est bien jugé, lui dit Jésus.
44 Puis, se tournant vers la femme, il reprit : – Tu vois cette femme ? Eh bien, quand je suis entré dans ta maison, tu ne m’as pas apporté d’eau pour me laver les pieds ; mais elle, elle me les a arrosés de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux.
45 Tu ne m’as pas accueilli en m’embrassant, mais elle, depuis que je suis entré, elle n’a cessé de couvrir mes pieds de baisers.
46 Tu n’as pas versé d’huile parfumée sur ma tête, mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds.
47 C’est pourquoi je te le dis : ses nombreux péchés lui ont été pardonnés, c’est pour cela qu’elle m’a témoigné tant d’amour. Mais celui qui a eu peu de choses à se faire pardonner ne manifeste que peu d’amour !
48 Puis il dit à la femme : – Tes péchés te sont pardonnés.
49 Les autres invités se dirent en eux–mêmes : « Qui est donc cet homme qui ose pardonner les péchés ? »
50 Mais Jésus dit à la femme : ta foi t’a sauvée, va en paix.
Notes
Sauf indication contraire, toutes les citations bibliques sont extraites de La Sainte Bible, Version du Semeur, copyright © 2000 Société Biblique Internationale. Tous droits réservés. Avec permission.
[1] C.G. Montefiore, The Synoptic Gospels, 2nd ed. (London: Macmillan, 1927), 2:437, quoted in Klyne Snodgrass, Stories With Intent [Les évangiles synoptiques, 2ème édition, cité dans Klyne Snodgrass, Histoires à dessein.] (Grand Rapids: William B. Eerdmans, 2008), 77.
[2] Luc 7:36.
[3] Joel B. Green, Scot McKnight, Dictionary of Jesus and the Gospels [Dictionnaire de Jésus et des Evangiles.] Downers Grove: InterVarsity Press, 1992), 796.
[4] Kenneth E. Bailey, Jesus Through Middle Eastern Eyes [Jésus vu à travers les yeux du Moyen-Orient] (Downers Grove: InterVarsity Press, 2008), 243.
[5] Joel B. Green, Scot McKnight, Dictionary of Jesus and the Gospels [Dictionnaire de Jésus et des Evangiles.] (Downers Grove: InterVarsity Press, 1992), 799.
[6] Luc 7:37–38.
[7] Luc 15:2.
[8] Kenneth E. Bailey, Jesus Through Middle Eastern Eyes [Jésus vu à travers les yeux du Moyen-Orient] (Downers Grove: InterVarsity Press, 2008), 246 footnote [note de bas de page] 15.
[9] Alfred Edersheim, The Life and Times of Jesus the Messiah, Complete and Unabridged in One Volume [La vie et l’époque de Jésus le Messie, texte complet et intégral en un volume] (Peabody: Hendrickson Publishers, 1993), 390.
[10] Kenneth E. Bailey, Jesus Through Middle Eastern Eyes [Jésus vu à travers les yeux du Moyen-Orient] (Downers Grove: InterVarsity Press, 2008), 247.
[11] Kenneth E. Bailey, Poet & Peasant, and Through Peasant Eyes, combined edition [Poète et paysan, et à travers les yeux d’un paysan] (Grand Rapids: William B. Eerdmans, 1985), 10.
[12] Luc 7:39.
[13] Luc 7:40.
[14] Kenneth E. Bailey, Poet & Peasant, and Through Peasant Eyes, [Poète et paysan, et à travers les yeux d’un paysan] combined edition (Grand Rapids: William B. Eerdmans, 1985), 12.
[15] Luc 7:41–42.
[16] Kenneth E. Bailey, Jesus Through Middle Eastern Eyes [Jésus vu à travers les yeux du Moyen-Orient] (Downers Grove: InterVarsity Press, 2008), 252.
[17] Luc 7:43.
[18] Luc 7:44–47.
[19] Luc 7:48.
[20] Luc 7:49.
[21] Luc 7:50.